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individus se présentèrent à la première porte, armés, quelques-uns de fusils et de sabres, la plupart de bâtons ferrés, ayant à leur tête un homme à cheval et le même drapeau qu’au Palais-Royal. Le général se fit ouvrir la porte et se présenta seul au-devant de la colonne ; il demanda aux jeunes gens qui paraissaient la diriger ce qu’ils voulaient. « Nous voulons la mort des ministres ! » répondirent-ils. Mais le brave qui avait défendu Vincennes contre cent mille étrangers n’était pas homme à céder devant une bande de factieux. Il leur répondit qu’il ferait sauter le donjon plutôt que de leur livrer les ministres confiés à sa garde et dont il répondait à l’état. Cette réponse, appuyée de quelques démonstrations vigoureuses, imposa aux factieux, qui se retirèrent en criant : « Vive le général à la jambe de bois ! » avec un tambour qu’il leur avait donné pour les reconduire à la barrière du Trône, et qu’ils forcèrent ensuite à les suivre.

« Rentrés à Paris, non sans quelque désordre dans leur marche nocturne, échauffés par la fatigue et le vin qu’ils prenaient dans les cabarets sur leur passage, ils se représentèrent, vers deux heures et demie du matin, aux portes du Palais-Royal, dans l’intention de redemander ou de faire relâcher leurs camarades arrêtés dans la soirée. L’alarme fut grande, les détachemens qui s’y étaient portés la veille s’étaient retirés ; mais quelques compagnies de la 6e légion avaient suivi le mouvement des factieux, et le colonel Marmier, de la 1re légion, averti de leur arrivée, avait remis sur pied un fort détachement de sa légion, avec lequel il se portait, au pas de course, au secours du Palais-Royal, qui n’était défendu que par un demi-bataillon de la 5e, en sorte que les factieux, se trouvant bientôt cernés des deux côtés, par la rue Saint-Honoré et par les rues adjacentes, furent bientôt réduits à se rendre à discrétion. On se contenta d’arrêter une centaine des plus mutins, parmi lesquels était l’homme à cheval qui semblait les diriger, et qui furent à l’instant conduits à la préfecture de police ; quelques-uns furent traduits à la cour d’assises et punis seulement de quelques mois de prison. »

Le lendemain, à neuf heures du matin, le roi descendit de ses appartemens dans la cour du Palais-Royal, accompagné du prince royal, du général La Fayette et du maréchal Gérard, ministre de la guerre, au moment où les postes de la garde nationale allaient être relevés, et, faisant rassembler ces braves citoyens autour de lui, il les remercia du zèle, de la promptitude et du bon esprit avec lesquels ils avaient réprimé la ridicule tentative d’agitateurs insensés :

« Ce que je veux, c’est que l’ordre public cesse d’être troublé