jamais fait, je l’ai dit encore, l’honneur d’y siéger, il employait autrement son loisir. Un matin, deux ou trois jours avant l’ajournement de la session, le roi me remit deux papiers qu’il venait de recevoir ; l’un était un plan de réforme du conseil d’état, qui l’érigeait en tribunal inamovible avec publicité de ses séances ; l’autre une lettre particulière, par laquelle l’auteur de ce plan informait le roi de la résolution où il était de transformer ce projet en proposition à la chambre des députés, en lui faisant savoir que lui, Benjamin Constant, tiendrait pour autorisation l’absence de réponse. Le roi en était, non sans raison, fort blessé.
Je pris les deux papiers que j’ai conservés. En arrivant à la chambre des députés, je me bornai froidement à les placer sous les yeux de leur auteur, sans lui demander d’explication et le laissant juge du procédé ; puis, sans écouter les excuses qu’il essayait de balbutier, je lui tournai le dos et je m’éloignai.
Je m’attendais à recevoir dans la matinée sa démission. Il n’en fut rien. Mais mon parti était pris. Je n’eus pas le temps de pourvoir à son remplacement ; ou le comprendra en lisant ce qui suit. J’emprunte le récit de l’Annuaire historique, il est exact de point en point.
« Le 17 octobre, au sortir d’une revue où toute la garde nationale de Versailles avait témoigné beaucoup d’enthousiasme et de dévouement, le roi trouva son palais assiégé par une foule furieuse qui lui demandait à grands cris la tête des ministres, déjà traduits devant leurs juges. Ces démonstrations prirent un caractère plus menaçant dans la journée du 18 octobre, où un rassemblement de trente à quarante individus se dirigea, en plein midi, sur le Palais-Royal, avec un drapeau sur lequel on lisait cette inscription : Désir du peuple. Mort aux ministres ! La garde nationale de service prit les armes, arrêta le porte-étendard et quelques-uns de ceux qui l’escortaient ; mais des groupes plus nombreux se portèrent, le soir, dans les cours du Palais-Royal, en poussant les cris : A bas les ministres ! La tête de Polignac ! et même, dit-on, quelques : Vive la république ! et des outrages grossiers contre la personne du roi, jusque sous ses fenêtres. Le poste de la garde nationale prit les armes, fit évacuer les cours et les jardins, dont les grilles furent fermées. Quelques-uns de ceux qui paraissaient diriger ses bandes furent arrêtés, mais les autres ne furent point découragés. Ils se dirigèrent par les rues plus populeuses et le faubourg Saint-Antoine, où les ouvriers se joignent en assez grand nombre au rassemblement, sur le château de Vincennes, où les ministres étaient enfermés jusqu’à leur jugement, sous la garde du général Daumesnil.
« Il était environ dix heures du soir lorsque huit à neuf cents