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de la part de notre majorité un acte de timidité, sinon d’abandon, et ce fut sons de tels auspices qu’intervint la discussion sur la mise en jugement des ministres. Elle ne prit qu’un seul jour.

La défense, entreprise avec loyauté et soutenue avec courage par les principaux de la droite, ne porta point sur le fond même des choses ; on faisait bon marché des ordonnances ; mais sur cette proposition plus spécieuse que solide, à savoir qu’en faisant peser sur Charles X la responsabilité des actes imposés par lui à ses ministres, on avait implicitement dégagé la responsabilité de ceux-ci ; qu’à les frapper, il y aurait désormais bis in idem. Erreur ; Charles X n’avait point été puni et ses ministres devaient l’être. La déchéance n’était point un châtiment, mais un divorce, — divorce rendu inévitable par la nature de la personne royale et le cours des événemens, — un divorce, la contre-partie du mariage entre la nation française et la maison de Bourbon, légitime au même titre entre les mêmes parties, poussé jusqu’à celle de ces conséquences qui le rend nécessaire, mais non au-delà. C’est ce qui fut très bien compris. On vota par assis et levé sur chaque chef d’accusation et au scrutin secret sur chaque accusé.

Le scrutin donna pour résultat :


Pour : Contre :
M. de Polignac 244 47
M. Peyronnet 232 54
M. de Chantelauze 222 75
M. Guernon-Ranville 215 76
M. d’Haussez 213 65
M. Capelle 202 61
M. de Monbel 187 67

Que serait-il arrivé s’ils étaient restés tous les sept près de Charles dans sa traversée de Rambouillet à Cherbourg ? Leur présence aurait-elle compromis la personne du roi ou la présence du roi protégé et assuré leur retraite ? Qui peut le dire ?

Au jour nommé, 29 septembre, s’ouvrit dans la chambre des députés le champ clos où se devait vider la querelle entre le ministère et l’opposition, c’est-à-dire entre ce qu’on nommait déjà le parti de la résistance et celui du mouvement, entre les satisfaits et les mécontens, entre ceux qui n’aspiraient qu’à terminer la révolution et à s’en tenir là, et ceux qui prétendaient en poursuivre les conséquences et les pousser à outrance.

Les deux partis n’existaient pas seulement dans la chambre, ils existaient à grand bruit dans le pays et à petit bruit dans le