Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/774

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de juillet ont abattu la folle dictature du vieux roi, il vous faudra bientôt attaquer la royauté de M. de La Fayette ; il y faudra d’autres journées ; et, c’est alors seulement que le prince lieutenant-général sera vraiment roi de France. » Cette conversation était de bon augure, et l’anecdote en est vraie, bien qu’elle ait été rapportée par M. Capefigue.

Mais le nœud de la reconnaissance n’en restait pas moins à Saint-Pétersbourg, puisque entre les trois alliés rien ne se pouvait arrêter que de concert ; et, de quelque désapprobation que l’empereur Nicolas eût frappé, avant l’événement, l’entreprise de Charles X, l’expulsion de ce prince ne l’atteignait pas moins sur un point sensible. Charles X était son bon ami, son féal ; il y perdait précisément ce que l’Angleterre y gagnait ; et, de plus, il se sentait blessé dans son amour-propre : ce rôle d’Agamemnon, de roi des rois, de chevalier des grands principes qu’il affectait en Europe depuis nombre d’années, se trouvait fort ébréché par l’admission d’un intrus dans le sénat des têtes couronnées ; aussi avait-il d’avance détourné, autant que possible, cette coupe amère de ses lèvres et annoncé avec force rodomontades qu’il ne reconnaîtrait le duc d’Orléans qu’en qualité de lieutenant-général nommé par Charles X, et que rien ne l’obligerait à transiger avec son honneur.

La lettre qui lui devait être adressée exigeait donc, de la part du roi, un mélange de dignité, de réserve et de ménagemens difficiles à concilier ; elle fut rédigée par M. Molé avec beaucoup d’art et de mesure ; le cabinet l’adopta intégralement ; on en peut trouver le texte dans les journaux de l’époque et dans les historiens, le secret n’en ayant été gardé ni par nous ni par le destinataire, et les commentaires ayant légèrement été leur train.

Le temps porte conseil. Cette lettre trouva la disposition de notre autocrate fort amendée. Le général Athalin fut reçu non-seulement avec courtoisie, mais avec cordialité ; il eut tous les honneurs de règle et de complaisance : fête à la cour, visite aux colonies militaires… « Je comprends, lui dit l’empereur, la situation du roi Louis-Philippe, je comprends la nécessité, le dévoûment, le sacrifice ; mais quel dommage qu’il ait licencié cette garde royale si noble et si fidèle ! » Ce n’était pas là le langage qu’avait entendu au premier moment notre chargé d’affaires, M. de Bourgoing. La réponse au roi du Palais-Royal par l’empereur, datée de Tsarskoë-Selo, le 18 septembre, fut grave, irréprochable sans être affectueuse ; Je mot de frère y manquait, et notre roi en fut plus piqué que nous.

Le roi de Prusse et son autre allié s’exécutèrent de meilleure grâce ; poignée de main franche et sans coup de patte.

En Italie, point de difficultés ; en donnant le bon exemple,