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républicains qui règnent aujourd’hui se sont engagés sans raison et sans réflexion dans une voie où ils auront désormais de la peine à s’arrêter, où ils sont la proie de leurs préjugés et de leurs idées fausses, où ils ne peuvent faire un pas sans se trouver en face des difficultés qu’ils ont accumulées dans leur imprévoyante politique. Ils ont mis les difficultés partout, ils les retrouvent devant eux sous toutes les formes et dans toutes les directions : difficulté de créer un gouvernement sérieux avec l’anarchie administrative qu’on a préparée, difficulté de rétablir la paix morale avec les fanatismes de secte dont on subit le joug ; difficulté de faire face aux crises industrielles avec les passions qu’on a encouragées ; difficulté de relever les finances publiques avec les déficits qu’on a amassés et les nécessités de nouveaux impôts devant lesquelles on recule.

On continuera, parce qu’on ne voudra pas faire autrement ou parce qu’on ne saura jamais s’arrêter. Ce n’est pas que, dans cet amalgamé qui s’appelle la majorité républicaine, il n’y ait des hommes qui ont à peu près le sentiment de la situation fausse et périlleuse faite à la république, qui préféreraient qu’il y eût moins de temps perdu, plus d’œuvres utiles, une direction plus régulière et plus éclairée. Ils sentent le mal, ils se sont créé l’impossibilité de trouver et d’appliquer le remède en se faisant les premiers complices de la fausse politique qu’ils subissent en se donnant les airs de la conduire, à laquelle ils se croient obligés de donner sans cesse de nouveaux gages, et M. le président du conseil, avec tout son art des réticences, ne réussit pas même à pallier cette perpétuelle équivoque. Un ancien ministre, M. Waldeck-Rousseau, dans un discours récemment prononcé en Bretagne, disait que le pays demandait au gouvernement « une fermeté de dessein, un esprit d’ordre hautement affirmé, une certitude et une persistance d’orientation, sans lesquels ni les entreprises de quelque durée, ni les projets de quelque portée ne sont possibles ; » il ajoutait que la république ne pouvait pas être a un perpétuel recommencement. « Eh ! c’est justement la question. Les républicains n’ont su donner au pays ni la « fermeté de dessein, » ni la direction, ni « l’esprit d’ordre, » sans lesquels il n’y a rien de possible ; ils ne s’en sont même guère préoccupés. Ils n’ont su que désorganiser, satisfaire leurs passions et leurs cupidités, mettre en péril ou en doute tous les intérêts, exclure tout ce qui les gênait, agiter et proscrire sans s’inquiéter Ides résultats. Les républicains qui s’appellent des hommes de gouvernement n’ont réussi tout au plus qu’à donner au désordre une certaine apparence d’ordre, sans s’apercevoir qu’ils se trouveraient un jour ou l’autre en face des conséquences de cette singulière politique éclatant à la fois sous les formes les plus diverses, même sous la forme burlesque. M. le ministre de l’instruction publique se croit bien habile en régularisant la tyrannie de secte dans sa loi sur l’enseignement