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REVUE LITTERAIRE

LA PHILOSOPHIE DE SCHOPENHAUER

Un amateur de philosophie, M. J.-A. Cantacuzène, à qui nous étions déjà redevables d’une traduction de la Quadruple racine du principe de raison suffisante et des Aphorismes sur la sagesse dans la vie, vient de publier à Leipsig, Paris et Bucharest, la première traduction française du Monde comme volonté et comme représentation. C’est le titre, personne aujourd’hui, ne l’ignore, du grand ouvrage de Schopenhauer, l’ouvrage capital, son Discours de la méthode, son Éthique à la fois et sa Critique de la raison pure, le livre unique, dont ses autres écrits ne sont à vrai dire que le complément, le commentaire ou le développement. L’occasion est donc favorable à reparler du philosophe. Puisqu’il se pourrait bien que Schopenhauer fût un jour, avec Darwin, l’homme dont les idées auront exercé sur cette fin de siècle la plus profonde influence, nous ne saurions d’ailleurs être trop curieux de le bien connaître. Et, d’une manière générale, — c’est-à-dire en faisant les exceptions qu’il faut faire, — on l’a traité si légèrement en France que nous lui devons au moins quelque réparation.

C’est surtout comme pessimiste que Schopenhauer est connu parmi nous, c’est comme pessimiste que ses disciples le suivent ou que ses adversaires le combattent, et c’est au pessimisme que l’on croit adresser les coupa que l’on lui porte. Cependant je ne parlerai ni principalement ni d’abord du pessimisme de Schopenhauer, et cela pour plusieurs