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fournit du sucre, du café et du tabac. Ses forêts contiennent de fort beaux bois, et ses mines de nickel, de cuivre, d’antimoine et de cobalt sont déjà l’objet d’une exploitation avantageuse.

Tahïti, que les premiers navigateurs ont surnommée la « reine de l’Océan-Pacifique, » est un séjour d’un charme incomparable. Les chaleurs accablantes de la zone torride y sont inconnues. Son atmosphère lumineuse, sereine, est rafraîchie par les vents alizés. La température est inférieure de plusieurs degrés à celle des îles Philippines. Très accidentée, couverte de hautes montagnes volcaniques, elle offre aux regards, quand on approche du rivage, une série de vallées fertilisées par de nombreux cours d’eau et dans lesquelles tous les végétaux des régions tropicales croissent en abondance. La salubrité de Tahïti dépasse celle de nos colonies les plus favorisées. Les Européens y jouissent d’une santé parfaite, sans acclimatement préalable, malgré les imprudences et les excès contre lesquels il est si difficile de se prémunir, dans un pays où tout porte à la vie sensuelle, où la plus incroyable liberté de mœurs vient se joindre à l’action provocatrice du climat. L’île produit tout ce qui est nécessaire à la nourriture de ses habitans. On y cultive principalement le coton, la canne à sucre, le cocotier, la vanille, le maïs, le tabac et le café. Les orangers y croissent en liberté. Quelques usines s’y sont formées dans les derniers temps pour la fabrication du sucre et l’égrenage du coton ; mais il n’y a pas lieu d’espérer que le commerce y prenne jamais un développement considérable. La véritable importance de cette île au point de vue des services qu’elle peut rendre à la mère patrie consiste dans sa situation. Lorsqu’on aura percé l’isthme de Panama, elle deviendra le point de ravitaillement de tous les navires qui se rendront en Australie après avoir traversé le canal. Elle est à moitié route entre Panama et Sydney, et elle réunit toutes les conditions nécessaires pour devenir un point de relâche des plus agréables.


III

Dans cette course rapide à travers nos possessions d’outre-mer, j’ai laissé de côté celles qui n’avaient pas d’importance et je me suis borné à déterminer, à l’aide de documens officiels et plus souvent en faisant appel à mes souvenirs, quelles sont les conditions dans lesquelles les Européens peuvent y vivre, la somme de dangers qu’ils y courent, les avantages que le pays peut en retirer. Quelque incomplète qu’ait été cette revue, elle suffira cependant, je l’espère, pour justifier les conclusions que je vais en tirer.

Notre domaine colonial est assez vaste pour que nous ne devions pas songer actuellement à l’accroître et il faut, pour le moment,