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d’ascension équivalent à un déplacement d’un degré vers le nord. En même temps que la température s’abaisse, la végétation change, l’air devient moins dense et plus pur, parce que les émanations des marais ne s’élèvent pas à une grande hauteur. A partir de 1,000 mètres on trouve des conditions météorologiques sensiblement analogues à celles de l’Europe centrale, et, par conséquent, la race blanche peut y vivre, s’y maintenir et se livrer à la culture. C’est ce qui arrive à Bourbon, où les petits blancs vivent et travaillent sur les hauteurs, ainsi qu’aux Antilles, où quelques colons cultivent eux-mêmes leurs propriétés au pied des pitons. Les Européens prospèrent sur les hauts plateaux de la Bolivie. La race espagnole se maintient et se développe sur celui de l’Anahuac, au centre duquel s’élève Mexico et où la température moyenne de l’année est de 19° 7 seulement. Cette nation, du reste, constitue une exception au point de vue de l’acclimatement dans les pays chauds. C’est la seule qui ait pu fonder des colonies prospères entre les tropiques. A Cuba, d’après Ramon de la Sagra, la population blanche s’est élevée, en moins d’un siècle, de 96,440 habitans à 793,484. A Porto-Rico, elle a presque doublé en dix ans. Au Pérou, au Chili, dans les républiques du Pacifique, comme au Mexique, on la retrouve florissante par suite de son mélange avec l’élément indien. Cette facilité d’acclimatement, cette aptitude à se croiser partout avec les indigènes, tient à ce que la race espagnole est une des plus mélangées de l’Europe. C’est très probablement, dit Bertillon, un mélange complexe de plusieurs rameaux indo-européens, avec la race primitive ibérienne, avec le rameau syro-arabe, et enfin, avec les Maures d’Afrique, qui ont possédé l’Espagne, pendant plusieurs siècles, avec un éclat et une puissance favorable aux croisemens. Par ces origines, ajoute le savant démographe, on peut affirmer que le sang africain a été, par trois fois, largement infusé dans les veines espagnoles, et la température élevée de la Péninsule a dû conserver à ce sang sa facile adaptation aux climats tropicaux, ainsi que sa propension à se mêler avec celui des races colorées. Les autres nations du Midi de l’Europe, sans jouir d’une flexibilité aussi grande, ont cependant plus d’aptitude à s’acclimater dans les pays chauds que les races du nord. Celles-ci n’y parviennent pas. Les Anglais supportent très mal le climat des régions équatoriales. Aux Antilles, leurs garnisons sont affligées d’une mortalité quadruple de celles qu’elles subissent en Europe. Il en est de même dans l’Inde et c’est encore pis dans leurs possessions africaines. D’un autre côté, la race anglo-saxonne n’est pas propre au croisement. Tandis que le mulâtre espagnol est vigoureux et vivace, le métis anglais est débile et sans postérité durable.

Les Allemands supportent tout aussi mal le climat des colonies.