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non par la volonté seule du président. Ils ont ainsi un caractère tout différent et ils ne règlent pas la discussion à leur guise, comme dans la chambre des représentans. Tout ce qui concerne le revenu et la dépense est examiné et discuté à fond par le comité des finances qui, jusqu’à présent, s’est montré un administrateur très sagace et très économe des deniers publics.

Comme l’a reconnu lord Salisbury, l’autorité du sénat en Amérique, — pouvoir essentiellement modérateur, — est incomparablement plus grande que celle de la chambre des lords. Il ne représente pas, comme celle-ci, la grande propriété et le privilège, dont le joug devient vite insupportable à la démocratie, mais l’indépendance des états fédérés, que chacun respecte, et le prestige du talent qui partout s’impose. Il s’ensuit que le sénat peut rejeter sans crainte les bills votés par la chambre des représentans, car sa popularité est plus grande, tandis qu’en Angleterre, si la chambre des lords repousse une loi importante adoptée par la chambre des communes, il se produit dans tout le pays un tel soulèvement de l’opinion, que bientôt l’obstacle, s’il ne cédait pas, serait emporté. Le gouvernement populaire rencontre donc aux États-Unis un frein puissant, effectif, dirige par l’expérience, par la sagesse, par l’intérêt vraiment national : rien de semblable n’existe plus en Angleterre.

Autre différence essentielle. Tandis qu’en Angleterre les institutions, même les plus anciennes, peuvent être modifiées comme une loi ordinaire, par un simple vote du parlement, aux États-Unis, les innovations improvisées ou hâtives sont empêchées par une constitution écrite très détaillée, qui ne peut être changée que par une procédure longue et compliquée. La difficulté d’y apporter un changement est prouvée par ce fait qu’elle a été la plus stable des constitutions modernes. Une seule modification importante y a été introduite, pendant la guerre de la sécession, l’abolition de l’esclavage.

Un article de la constitution fédérale ne peut être changé que par un vote du congrès émis à la majorité des deux tiers et ratifié par les trois quarts des états. Dans les états particuliers, la révision de la constitution est soumise à plus de difficultés encore. Ainsi, dans l’état de New-York, l’article 13 de la constitution porte : « Aux élections générales, tous les vingt ans, et aussi à une époque que la législature peut fixer par une loi, la question : « Y aura-t-il une convention pour réviser la constitution et pour l’amender ? » sera décidée par les électeurs ayant droit de voter pour la chambre, et dans le cas où ces électeurs décideraient qu’il y aura une élection à cet effet, la législature, à sa prochaine session, votera une loi pour l’élection de délégués à une semblable convention. » Dans