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sur 307,000,000 dollars, 16,500,000 dollars seulement constituaient la somme que le congrès pouvait refuser. Tout le reste, soit 200,500,000 dollars, avait une affectation fixe et obligatoire. En matière financière également, l’action des partis et le pouvoir effectif de la chambre sont presque nuls. Tout est décidé, en dernier ressort, par le comité permanent des voies et moyens, dont les onze membres appartiennent aux deux opinions. Les départemens ministériels n’obtiennent l’argent qu’ils réclament que par des négociations et des entrevues avec les présidens et les membres influens des comités. Ordinairement la chambre des représentans se montre très économe et opère de grands retranchemens. Le sénat, se rendant mieux compte des nécessités du gouvernement, rétablit les crédits. Une commission mixte se forme ; elle propose un compromis, et comme on arrive ainsi à la veille de la clôture de la session, tout est voté en grande hâte. Les ministres n’obtiennent presque jamais tout ce qu’ils ont demandé, mais cela ne les oblige pas à donner leur démission ; ils s’en tirent comme ils peuvent. Leur responsabilité est à couvert et celle du congrès est fictive.

Un autre très grand vice du régime que nous venons de décrire, c’est qu’il ne peut former ni grands orateurs politiques, ni administrateurs éminens. Il n’offre nulle part de place à une noble ambition ni de récompense pour de grands services rendus. A moins qu’ils ne soient des généraux, ce ne sont pas les citoyens les plus en vue que l’on choisit comme candidats à la présidence. Quel rôle peuvent jouer des hommes d’état éminens dans la chambre américaine ? Tout au plus exercer leur influence au sein des comités. Ils arrivent ainsi à faire voter certaines lois, ils obtiennent des résultats matériels ; mais, agissant en secret, ils n’acquièrent ni notoriété, ni action sur le pays. Arrivent-ils à être ministres, ils doivent quitter le parlement pour devenir des administrateurs sans avenir. Dans une république comme dans une monarchie, le meilleur titre à conserver une fonction doit être la capacité révélée par la pratique. Ici, à peine en ont-ils fait preuve qu’ils doivent se retirer, car il est rare que le nouveau président les conserve. Le président de la chambre jouit d’une puissance énorme, très supérieure à celle du président de la république, mais il l’exerce en silence, et seulement en composant les comités permanens.

Dans beaucoup de pays de l’Europe, on se plaint des longs discours et du verbiage inutile des députés. Macaulay dit à ce sujet : « On peut posséder l’art de la parole au plus haut degré et n’avoir ni jugement, ni courage, ni aptitude à discerner les signes des temps et les caractères des hommes, aucune connaissance des principes de législation et d’économie politique, nulle capacité pour bien diriger la diplomatie ou la guerre. Il se peut que ces qualités