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contributions directes ont, jusqu’à présent, donné 1 million de moins qu’en 1885 ; les contributions indirectes, 10 millions ; les douanes ; 24 ; l’enregistrement et le timbre, 5, soit 36 millions de moins qu’en 1885 et 48 millions de moins que les évaluations adoptées pour 1886. En admettant que les recettes de 1887 ne descendent pas au-dessous de celles de 1886, qu’elles demeurent stationnaires, les évaluations seraient déjà trop fortes de 36 millions et le budget ne serait pas en équilibre, puisqu’on n’y a prévu qu’un excédent de recettes de 1,600,000 francs. Est-il besoin d’ajouter que le crédit de 30 millions pour les dépenses des protectorats ne repose sur aucune donnée précise, qu’il a été fixé arbitrairement, et que des insurrections ou de nouvelles contestations avec la Chine ou avec les Hovas peuvent le rendre absolument insuffisant ?

Il est donc impossible de reconnaître une assiette, solide à ce budget de 1887, mis en équilibre par des moyens aussi compliqués et d’une efficacité aussi douteuse. On peut, dès aujourd’hui, prévoir la dislocation du plan de M. Sadi-Carnot. L’accueil fait à ses propositions relativement aux trésoriers généraux donne lieu de penser que le parlement ne voudra pas, pour réaliser une économie problématique de 4 millions environ, s’exposer à désorganiser un mécanisme financier qui a fait ses preuves, et qu’on aurait sujet de regretter si des complications venaient à surgir. Quant au remaniement de l’impôt des boissons, la chambre ne voudra affronter le mécontentement ni des bouilleurs de cru, ni des producteurs de vins riches en alcool, ni des redoutables débitons de boissons : elle ne retiendra des propositions de M. Sadi-Carnot que l’élévation de la taxe sur les alcools, afin d’avoir à sa disposition les 84 millions qu’elle produira, l’équilibre du budget étant impossible à établir sans une notable augmentation des recettes. C’est sur la suppression du budget extraordinaire que la grande bataille se livrera. Le ministre des finances le supprime afin de pouvoir supprimer, ou plutôt appliquer à d’autres dépenses le crédit de 100 millions qui en était le gage. Si on maintient le budget extraordinaire, il faut rétablir ce crédit de 100 millions, mais alors l’équilibre du budget ordinaire n’existe plus. En faisant reposer cet équilibre sur la suppression du budget extraordinaire et de son gage financier, le ministre a mis une arme redoutable entre les mains de ses adversaires. C’est en invoquant le principe de l’amortissement, en faisant valoir la nécessité de réduire la dette et au nom de l’économie… future, que les partisans de la dépense à outrance attaqueront le budget. Ils feront valoir qu’il est impossible, de tenir, avec les seules ressources du budget ordinaire, Les promesses faites aux populations ; que les dépenses extraordinaires de 1886 et de 1887 sont couvertes par des prélèvemens sur le récent emprunt ; qu’on a