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services publics. C’était déplacer la question ; un gouvernement quelconque, et, à plus forte raison, le gouvernement de la France, peut toujours se procurer de l’argent ; l’important est de savoir à quel prix et dans quelles conditions il l’obtient. En outre, ces orateurs ne remarquaient pas que, plus ils établissaient l’abondance des ressources de la trésorerie, moins ils étaient fondés à repousser la demande de l’opposition, qui voulait donner le pas à la discussion du budget et à l’examen de la situation générale des finances. L’emprunt fut émis, le 10 mai 1886, au taux de 79 fr. 80 ; le montant en devait être versé en quatre paiemens : à la souscription, les 1er juillet et 1er octobre 1886, et le 1er janvier 1887. D’après le rapport adressé au président de la république par le ministre des finances, 35,467 souscripteurs à Paris auraient demandé 350 millions de rente, et, en province, 212,940 souscripteurs n’auraient demandé qu’un peu plus de 42 millions. La comparaison de ces chiffres suffit à faire voir quelle part la spéculation et les établissemens de crédit ont eue à la souscription de l’emprunt. Le même fait ressort du chiffre des bons du trésor présentés à l’escompte par les souscripteurs : ce chiffre a dépassé 181 millions. Les établissemens de crédit, qui étaient venus en aide au gouvernement en prenant des bons du trésor dans les premiers mois de l’année, se sont d’autant plus empressés de les appliquer à la souscription que, malgré un escompte de 2 pour 100, ils y gagnaient une bonification d’intérêt de 0 fr. 18, indépendamment de la commission qui a dû leur être allouée. En nous apprenant que, sur 286 millions de bons du trésor en circulation, la veille de l’emprunt, 142 millions avaient été émis à 3 pour 100, le ministre nous fournit une nouvelle preuve de l’intensité des besoins du trésor pendant les deux premiers mois de cette année.


III

Examinons maintenant à l’aide de quels procédés le budget de 1887 serait mis en équilibre. Reconnaissons tout d’abord qu’on ne saurait équitablement critiquer le prélèvement, sur l’emprunt, des 105 millions destinés au ministère de la guerre. En présence du déclin du revenu public, on ne pouvait demander cette somme qu’à l’emprunt ou à l’impôt. S’il n’est pas ouvert au ministère de la guerre un troisième compte de liquidation, cette dépense ne se renouvellera plus, et son imputation sur une ressource d’emprunt est la conséquence logique des votes antérieurs du parlement. Ce point écarté, on se trouve encore en présence d’une insuffisance de recettes présumée de 223 millions. En effet, d’après les chiffres mêmes du ministre, l’exercice 1887 doit supporter 145 millions de dépenses qui