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La façon dont le budget de 1887 est établi appelle de nombreuses observations : nous nous contenterons, pour le moment, d’exposer dans son ensemble le plan financier du gouvernement. Le second projet de loi avait pour objet une combinaison d’emprunt destinée à alléger le fardeau de la dette flottante et à réduire les exigibilités sous le coup desquelles le trésor était placé. L’exposé de motifs reconnaissait que le poids de la dette flottante était a assez lourd » et « qu’une portion de cette dette, par sa constante exigibilité, pourrait, à un moment donné, devenir la source de sérieux embarras. » On était donc déjà revenu à la situation que M. Léon Say déclarait alarmante en 1882 et dont il avait cru faire disparaître le danger. Le ministre faisait connaître que la dette flottante, au 1er mars 1886, s’élevait à 1,539.455,400 francs. Elle s’était, par conséquent, accrue de 245,977,500 francs depuis le 1er janvier, c’est-à-dire dans l’espace de deux mois. Cet accroissement portait presque exclusivement sur les bons du trésor, qui, descendus au chiffre de 44 millions au 1er janvier, étaient remontés à 272,961,800 francs au 1er mars. La difficulté de faire face au coupon du 3 pour 100 en janvier et au coupon du 4 1/2 en février ne serait-elle pas l’explication de cette émission insolite de bons du trésor ? Il est à remarquer que l’intérêt de ces bons, fixé à 1 pour 100 depuis le 1er juin 1885, a été soudainement porté à 2 pour 100, le 11 janvier 1886, et à 3 pour 100, le 18 du même mois. On peut croire que, pressé d’argent, le ministre des finances avait dû négocier auprès de ses auxiliaires habituels, la Banque de France et les établissemens de crédit, une avance considérable contre des bons du trésor à court terme. Un autre fait conduirait à la même conclusion. Dans l’indication de l’emploi à faire du produit de l’emprunt, 230 millions environ étaient affectés au remboursement des bons du trésor. Pourquoi cette somme n’était-elle pas appliquée à éteindre complètement la portion la plus dangereuse de la dette flottante, celle qui est constamment exigible ? La préférence donnée au remboursement des bons du trésor ne peut recevoir que deux explications : ou elle était l’exécution d’engagemens contractés vis-à-vis des prêteurs obligeans qui étaient venus au secours du trésor, ou le ministre, prévoyant des embarras ultérieurs, désirait rembourser les bons en circulation, afin de pouvoir immédiatement en émettre d’autres sans appréhender d’atteindre la limite de 400 millions posée par la loi de finances. Ni la commission de la chambre, ni celle du sénat ne paraissent avoir souhaité d’éclaircissemens sur ces points intéressans ; en tout cas, elles n’ont pas mis le parlement dans la confidence de ceux qu’elles ont pu recevoir.

Le gouvernement demandait l’autorisation d’emprunter en rente