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éloigné pour qu’on en pût faire état. Cet aveu, dépouillé d’artifice, n’était pas de nature à fortifier le crédit de ces sociétés ; aussi l’on revint sur cette exclusion singulière. Ainsi naquit la plus jeune des filles du budget, la caisse des garanties, imaginée pour n’avoir point à inscrire dans la loi de finances la charge des engagemens pris vis-à-vis des compagnies de chemins de fer, et destinée, comme ses aînées, à battre monnaie avec la signature de l’état. C’est toujours le même système : le trésor va emprunter, tous les ans, sous le nom et par l’entremise des compagnies, 250 millions pour la construction du troisième réseau ; il empruntera tous les ans, sous le nom et par l’entremise du compte spécial des garanties, une soixantaine de millions, et souvent plus, pour satisfaire aux obligations qu’il a assumées vis-à-vis de ces mêmes compagnies. Sous ces déguisemens divers, c’est toujours le gouvernement qui emprunte et qui épuise l’épargne nationale à mesure qu’elle se reforme.

Le budget ordinaire de 1886 a été fixé en recettes, par la loi du 8 août 1885, à 3,016,087,060 francs ; et en dépenses, à 3,015,474,036 francs, soit un excédent de recettes d’un demi-million. Pour l’évaluation des recettes, on était revenu à l’ancien mode de calcul, en prenant pour base les résultats de l’antépénultième année, et l’on n’a point sujet de le regretter en présence du déclin constant des recettes. La même loi du 8 août 1885 fixa à 163 millions 1/2 les dépenses du budget extraordinaire, où il n’y eut plus d’autres parties prenantes que les ministères de la guerre, des beaux-arts et des travaux publics. Les crédits supplémentaires accordés dès les mois de janvier et de février 1886 ont immédiatement élevé la dépense à 211 millions : il y a été pourvu, pour la presque totalité, par des ressources d’emprunt, à savoir, par l’émission de 172 millions 1/2 d’obligations, par l’application de 23,731,000 francs provenant de l’emprunt du 10 février 1884 ; et, pour le surplus, par des prélèvemens sur le prêt de 80 millions de la Banque de France et sur les fonds de concours versés par diverses compagnies.

Des discussions auxquelles ce budget donna lieu au sein de la chambre des députés et du sénat, nous ne voulons retenir que quelques chiffres et quelques déclarations qui contiennent tout un enseignement. Les recettes de 1884 étaient demeurées au-dessous des recettes réalisées en 1883, et les frais de poursuites pour le recouvrement des impôts s’étaient élevés de 1 lr. 69 à 1 fr. 82 pour 1,000 francs, soit une augmentation de 0 fr. 13, ou de 9 pour 100 d’une année à l’autre. Les recettes de 1885, à leur tour, étaient sensiblement inférieures à celles de 1884 ; le produit de la