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Tout recommence, en effet, pour finir bientôt, il est vrai, par un nouveau coup de foudre qui va clore le règne des cent jours, tragique épilogue du drame impérial. Comme M. de Metternich l’avait prévu, Napoléon, une fois débarqué, ne s’était plus arrêté qu’à Paris, aux Tuileries, qu’il trouvait vides. Tout s’était évanoui devant lui : la royauté et le roi. Il avait triomphé au pas de course, sans combat, par sa seule apparition ; il avait en même temps ouvert la plus redoutable des crises parce prodigieux coup de théâtre. A quels mobiles avait-il obéi en se jetant dans une aventure aussi périlleuse qu’extraordinaire ? Napoléon savait que ce qui lui restait de liberté était menacé, qu’on avait médité et proposé à Vienne de l’envoyer dans quelque île lointaine. Il n’ignorait pas que, depuis un an, les Bourbons, par leurs fautes, avaient accumulé les mécontentemens dans la nation comme dans l’armée. Il avait calculé juste sans doute en comptant sur son prestige, sur l’ascendant de son génie et de sa gloire. Il s’était gravement trompé en croyant pouvoir renouer un règne interrompu, diviser ou apaiser l’Europe ; à peine était-il arrivé aux Tuileries, il n’avait plus déjà d’illusions. Il se sentait plus que jamais isolé en face d’une Europe ennemie qui lui fermait toutes les portes et resserrait ses rangs. Dès les premières nouvelles, les fêtes avaient cessé à Vienne ; les agitations mondaines avaient été remplacées par une activité silencieuse. A la prodigieuse aventure de Napoléon l’Europe répondait par la déclaration du 13 mars, qui le mettait hors la loi des nations et le livrait à la « vindicte publique, » par le traité du 25 mars qui reconstituait la coalition, par l’ordre expédié à toutes les armées de reprendre le chemin de la France. On laissait aux diplomates le soin d’achever l’œuvre du congrès et, pendant ce temps, d’heure en heure, se formait le vaste réseau des forces européennes du Hanovre à la frontière italienne : les Anglais, les Prussiens, les Hanovriens, les Hollandais marchant vers la Belgique sous Wellington et Blücher ; les Autrichiens, les Allemands du sud s’avançant par l’est sous Schwartzenberg, en attendant les Russes ramenés à marches forcées sur la ligne des alliés.

Vainement Napoléon avait essayé de pénétrer ce réseau en faisant parvenir à l’Autriche les assurances les plus pacifiques, en réclamant l’impératrice Marie-Louise et son fils, qu’on ne pouvait plus appeler le roi de Rome ; il n’avait pas réussi à se faire écouter. De tous ses émissaires, les uns ne pouvaient pas même arriver jusqu’à Vienne ; les autres étaient des messagers bien peu sérieux, témoin ce sceptique familier de M. de Talleyrand, M. de Montrond, personnage peu sûr, expédié de Paris avec une mission équivoque. L’Europe restait impénétrable, n’admettant d’autre programme que la « destruction de Bonaparte et des siens. » Marie-Louise elle-même, qu’un homme dévoué et fidèle à l’empereur, M. de Meneval, avait suivie à Vienne,