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dans l’histoire du temps, Frédéric de Gentz, était alors auprès de M. de Metternich. Il avait traversé toutes les situations en Prusse et en Autriche sans se fixer, poursuivant d’une guerre retentissante de pamphlets la révolution française et Napoléon. Il s’était attaché après 1809 à la fortune de M. de Metternich. Il a passé quelquefois pour avoir été le conseiller secret ou l’inspirateur du chancelier autrichien : il n’était pas un inspirateur, il était le familier, le confident de M. de Metternich, qui se plaisait à ses conversations, aimait son esprit, ne dédaignait pas ses corruptions élégantes et se servait de sa plume. Il était employé pour le moment aux proclamations et aux manifestes de la coalition en même temps qu’à une correspondance avec l’hospodar de Valachie, qu’on voulait retenir dans les intérêts de l’Autriche. Les lettres de Gentz, écrites au courant des choses, sont un document précieux sur cette période de la fin de 1813 ; elles laissent entrevoir M. de Metternich dans son travail de diplomatie, tel qu’il était, tel qu’il s’est peint lui-même, retenant le fougueux Blücher, négociant avec la vanité d’Alexandre, faisant intervenir de temps à autre, et toujours à propos, la raison modeste et grave de l’empereur François pour tout concilier. Au fond, quelle était la pensée de M. de Metternich dans cette phase nouvelle du grand conflit, dès qu’on touchait au Rhin ? Il y a une histoire officielle qui a été racontée partout, qui est dans les livres et dans les protocoles ; il y a aussi une vérité intime qui n’est plus désormais un mystère. L’histoire officielle, c’est ce qu’on a appelé les propositions de Francfort, c’est le congrès de Châtillon, c’est cette série de négociations coïncidant avec l’invasion. La vérité toute simple, c’est que M. de Metternich continue à Francfort comme à Châtillon la comédie de Prague, qu’il ne dit que ce qu’il veut dire, se réservant jusqu’au bout le dernier mot de ses combinaisons.

Les propositions de paix pouvaient et devaient se modifier avec la marche des événemens, avec les succès croissans des alliés : c’était inévitable. On n’avait demandé à Napoléon, à Prague, que la dissolution du duché de Varsovie et de la Confédération du Rhin, l’abandon des villes anséatiques, le rétablissement de la monarchie prussienne, la restitution à l’Autriche de quelques-unes de ses provinces perdues. On lui offrait encore à Francfort ce qu’on appelait les « frontières naturelles, » le Rhin, les Alpes, les Pyrénées. Bientôt, à Châtillon, on n’allait plus lui offrir que les anciennes limites de 1792. En réalité, tout était fiction et tactique dans cette diplomatie. Les propositions de Francfort, qui avaient une apparence si sérieuse, qui laissaient encore la France dans de belles conditions, n’étaient faites que pour l’opinion, pour l’histoire. C’est M. de Metternich lui-même qui l’avoue et qui l’explique. Arrivé sur le Rhin,