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veux agrandir la tienne. Je te donne et fais hommage de tous le pays qui s’étendent depuis Bahr-el-Nil (l’Egypte) jusqu’à Bahr-el-Kébir (l’Océan), et depuis la Méditerranée jusqu’au Soudan. Désormais tu seras le plus grand des rois, et pour sceller notre amitié, je te convie à faire la prière avec moi.» c’est le dernier mot de la puissance du sultan des tolba : il dit la prière devant le vrai sultan, puis il rentre dans la foule obscure, heureux toutefois d’être libéré d’impôts jusqu’à sa mort.

Il va sans dire que Moula-Hassan fait don d’une splendide mouna au sultan des tolba et à toute la corporation. Les personnes riches de la ville imitent sa libéralité. D’ailleurs, pendant les quelques semaines de réjouissances carnavalesques de leur éphémère empire, les tolba ont mille moyens de solliciter des présens du public. Déguisés en méchouari, ils se promènent dans les bazars sous prétexte d’en faire la police. Ils s’arrêtent devant chaque boutique, demandant à vérifier les poids et mesures ; naturellement, après enquête, ils déclarent que les grammes devraient être des kilogrammes, les mètres des kilomètres, que ce qui vaut 100 francs devrait se vendre 5 sols; qu’il y a donc fraude, vol et concussion, et qu’on ne saurait échapper que par une forte amende au châtiment que méritent tant de crimes. Ces plaisanteries, toujours les mêmes, n’en excitent pas moins la gaîté publique et n’en réveillent pas moins la charité. Les aumônes pieu vent dans la bourse vide des tolba. Ils font une collecte suffisante pour vivre jusqu’à l’année suivante. Ils adressent aussi des lettres-circulaires aux personnages influons et autres pour leur demander, sous forme de tributs, quelques cotisations. Je donnerai, comme exemple du genre d’esprit qui fleurit à l’heure actuelle dans le corps savant de Fès, une de ces lettres-circulaires reçue, il y a quelques années, par le fkhy de la légation de France, qui se trouvait à Fès avec une ambassade. On verra que cet esprit n’est point précisément de l’atticisme et que les Marocains n’ont rien gardé de la Grèce, dont jadis ils avaient importé chez eux la science et les arts.

El Haoussin el Komari, prince des tolba
Que Dieu l’assiste!

Louange à Dieu unique !

Que Dieu répande ses bénédictions sur Notre Seigneur et Notre Maître Mohammed, sur sa famille et ses compagnons !

A notre serviteur très agréable, le docte comblé de satisfaction, Sid Ahmed el Badaoui, que Dieu vous fasse jouir de la sécurité, qu’il vous garde de tout mal et vous préserve de tout dommage.

Le salut soit sur vous, ainsi que la bénédiction et la miséricorde de