façons pour la désavouer ; ils n’ont pas tardé à revenir à la bonne doctrine, et dans leur dernière loi sur l’enseignement primaire, ils ont bravement remis les instituteurs à la discrétion des préfets. Ce sont ces mêmes hommes qui avouaient avec arrogance, il y a quelques années, l’intention de « refaire l’âme de la France. » Ils ne voyaient pas que, s’ils réussissaient, ils commettaient, par leurs entreprises sur les croyances les plus intimes, l’acte le plus caractérisé de tyrannie, et que, à défaut d’un succès heureusement impossible, il ne faisaient que tout désorganiser en avouant que tout leur était bon pour régner.
A quoi donc a servi cet abus de la domination, ce luxe d’omnipotence administrative dont les républicains exclusifs qui règnent aujourd’hui sont si souvent prodigues ? Ils n’ont réussi qu’à montrer que, si on peut s’approprier plus ou moins les procédés équivoques que tous les régimes se sont transmis, on n’a pas à volonté des idées justes sur l’administration d’un pays, on ne refait pas un gouvernement en subissant toutes les influences malfaisantes. Ce sont des politiques à deux faces : d’un côté, au besoin, grands praticiens de l’arbitraire ; et, d’un autre côté, entraînés, par toute sorte de complicités avouées ou inavouées, dans le tourbillon révolutionnaire. Par instinct, ils ont peu de goût pour les libertés vraies, sérieuses, régulières, dont ils semblent parfois comprendre les conditions, et ils ont d’inépuisables complaisances pour les libertés turbulentes, agitatrices, anarchiques, auxquelles ils n’osent toucher de peur d’être suspects de tiédeur républicaine. De là cette situation étrange où, au lendemain de l’expulsion d’un honnête chapelain anglais de Chantilly, coupable de gratitude envers M. le duc d’Aumale, l’on voit le conseil municipal de Paris envoyer des députations ouvrières prêcher le collectivisme en Angleterre les grèves se succéder à Vierzon, après Decazeville, et un congrès ouvrier international déployer ses programmes de révolution sociale sous l’œil paternel du gouvernement.
Rien certes, au premier abord, n’est plus sérieux, plus légitime, plus digne de l’attention des hommes réfléchis et prévoyans, que le travail contemporain des ouvriers de toutes les industries se concertant pour défendre leurs intérêts ou pour s’éclairer sur les conditions de leur vie laborieuse, sur les moyens d’améliorer leur position. Si les ouvriers n’avaient pas d’autre pensée ou étaient laissés à eux-mêmes, tout dans leurs efforts mériterait un examen sympathique. Malheureusement ce qui touche réellement les ouvriers n’est qu’une considération secondaire ou le prétexte de ces grèves, de ces congrès qui se multiplient, qui le plus souvent éclatent sous une influence de politique et de révolution. Pendant des mois la grève de Decazeville a duré. Quel a été le fruit de cette douloureuse crise ? Elle a été fatale pour tous les intérêts, surtout pour la population, qui a été la première