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dernière ressource. Il s’en occupait avec ardeur. Il fit connaître à Dumouriez qu’il avait investi Willot de pouvoirs étendus pour opérer dans les provinces méridionales et que ce général venait d’être appelé à Vienne, à l’instigation de l’Angleterre, pour exposer ses plans au baron de Thugut. Les événemens ultérieurs seuls permettraient de juger des véritables sentimens de l’Autriche en cette circonstance, du degré de leur sincérité et de la confiance qu’il y fallait accorder.

Au commencement du mois de mai 1800, Dumouriez rentrait à Hambourg. La Prusse, tenue au courant de ses démarches, avait annoncé son retour à Beurnonville. Averti par ce dernier, Bourgoing en transmettait la nouvelle à Paris. « j’ai les moyens d’être informé, ajoutait-il, de ce que dira Dumouriez sur la cour de Russie et sur la réception qu’on lui aura faite à Mitau. » Présomptueuse était cette assurance. On a vu plus haut que l’envoyé de la république était moins bien informé qu’il ne supposait, surtout quand il parlait « des fortes sommes d’argent » reçues par Dumouriez. De même, il se trompait lorsqu’il écrivait à Talleyrand : « Ceux qui sont dans sa confidence assurent qu’il ne serait nullement impossible de le rapprocher du gouvernement actuel, contre lequel il est loin d’avoir les préventions qu’il avait contre le Directoire. » Il était trop tard pour que Dumouriez pût revenir à la cause qu’il avait trahie ; compromis par ses écrits et par ses actes, ses écrits surtout, les lettres envoyées en Russie, à Mitau, à divers émigrés, il comprenait lui-même qu’il ne rentrerait en France qu’avec la royauté restaurée.

Arrivé à Hambourg, il s’appliqua surtout à laisser croire que Paul Ier lui avait accordé sa confiance et l’avait chargé d’une très importante négociation. Sa première visite fut pour Mourawief, de qui il sollicita la protection spéciale qu’à sa demande Rostopchine lui avait fait espérer. Dans la ville de Hambourg, où l’opinion, de plus en plus, se prononçait pour la république, il voulait circuler librement revêtu du caractère de protégé russe, qui l’aurait rendu inviolable. Mais Mouravief était sans ordres, Dumouriez eut lieu de craindre que son voyage ne fût même pas couronné du très mince succès qu’il persistait à en attendre. Il écrivit à Rostopchine, au tsar lui-même. Il sollicitait un brevet qui l’annonçât a comme serviteur de l’empereur. » Ses lettres étaient pressantes, humbles, des lettres de mendiant sans fierté. Et comme elles restaient sans réponse, il s’ingéniait, pour provoquer des remercîmens, à rendre des services, ne reculant ni devant l’espionnage ni devant la délation.

Le 27 mai, il adressait au comte Panine une liste d’individus habitant ou ayant habité Saint-Pétersbourg, qu’il accusait d’être soudoyés par le gouvernement français pour faire de la propagande