diverses circonstances étaient venues successivement modifier les idées de l’empereur. Il ne pouvait, dit en son nom Rostopchine à Dumouriez, qu’engager le général à se remettre en route. Il regrettait de l’avoir inutilement dérangé. Pour l’indemniser de son déplacement, il lui allouait 1,000 ducats d’or.
Quoique décontenancé par ce langage, Dumouriez eut assez de présence d’esprit pour objecter qu’il ne pouvait, sans manquer à ses devoirs envers le roi son maître, sans s’exposer à devenir pour l’Europe un sujet de railleries, quitter Saint-Pétersbourg avant d’avoir vu l’empereur. Il ne se résignait pas à considérer comme définitive la décision qui lui était transmise. Il espérait qu’elle serait rapportée, qu’on ne le contraindrait pas à y obéir sur l’heure. Rostopchine écouta patiemment cette réponse, promit de la répéter au tsar. Mais, sous cette bienveillante condescendance, le ministre dissimulait sa volonté de contribuer de tous ses efforts à faire avorter la mission de Dumouriez. Comme la plupart des hommes d’état de Russie, il avait vu avec regret son maître se jeter dans la coalition ; il s’était efforcé de l’en faire sortir ; il croyait à la possibilité comme à la nécessité de la paix entre la France et l’empire. On peut donc croire que son influence, à supposer qu’il pût se flatter d’en posséder une sur un prince fantasque à l’excès, ne s’exerçait pas dans le sens des vues de Dumouriez. C’est d’autant plus vraisemblable qu’alors même qu’il eût approuvé ces vues, il n’était pas homme à user son crédit au profit d’une cause qu’il considérait comme perdue. En fait, tout en offrant ses bons offices à Dumouriez, il ne les poussa pas au-delà de ce que lui commandait la plus vulgaire courtoisie.
Au bout de quelques jours, il annonça au général que sa prière était exaucée, qu’il serait admis à l’audience impériale. Il ne lui en fixa d’ailleurs ni l’époque, ni le lieu, ce qui aurait dû suffire pour empêcher Dumouriez de se laisser prendre, comme il le fit, à cette apparente bonne grâce. Il en apprécia mieux le caractère au fur et à mesure que se prolongeait l’attente qu’on lui imposa. Plus de six semaines après son arrivée, malgré ses pressantes démarches, il n’avait pas encore vu l’empereur. Enfin, dans la soirée du 5 mars, à minuit, un billet de Rostopchine vint l’invitera se trouver le lendemain à la parade, c’est-à-dire à la revue matinale des troupes de service au palais impérial, que le tsar passait ordinairement dans la cour de ce palais.
Dumouriez fut exact au rendez-vous. Il était à cheval et en uniforme. Ce jour-là, l’empereur ne parut pas. Le 7 mars, le général fut plus heureux. Il s’était mêlé à l’état-major qui accompagnait le