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budget extraordinaire : aussi le gouvernement avait-il dû se décider à négocier avec les compagnies de chemins de fer et à leur demander de se substituer à lui pour l’exécution du plan Freycinet. La présentation du budget extraordinaire était donc ajournée jusqu’à l’issue de ces négociations.

Pendant qu’elles se poursuivaient, le gouvernement se décida brusquement à accomplir la conversion du 5 pour 100 qui, depuis dix-huit mois, était suspendue comme une menace sur le marché financier. Cette opération fut exécutée sans un trop grand effort, mais si le ministre en avait attendu un réveil de la spéculation et des affaires, il fut déçu dans son espoir; car elle eut pour premier résultat un déclassement des fonds publics que les recueils financiers évaluèrent à 20 millions de rentes pour le 5 pour 100 et à 5 millions pour le 3 pour 100, tandis qu’une hausse sensible se produisait sur les obligations de chemins de fer et sur les fonds étrangers. Non-seulement le nouveau 4 1/2 n’a jamais atteint le cours de 115 francs, que M. Tirard annonçait comme inévitable à bref délai ; mais il ne s’en est jamais approché. Cette mesure, qui venait ou trop tôt ou trop tard, a donc eu pour effet de détruire, pour un certain temps, l’élasticité des fonds français; et, quant à l’économie qu’elle procurait et qui avait surtout déterminé la résolution du gouvernement, elle était absorbée et au-delà, dès cette même année, par les prodigalités législatives et les dépenses des expéditions lointaines. En défendant, au mois de juillet, devant la commission du budget, les conventions qui venaient d’être conclues avec les compagnies de chemins de fer par son collègue des travaux publics, M. Tirard déclara leur adoption absolument indispensable ; et il fut amené à dire que, bien qu’il eût élevé à 3 pour 100 l’intérêt des bons du trésor dans l’espoir d’attirer les capitaux en quête d’un emploi temporaire, « l’argent n’était pas venu. » Cet aveu, qui émut le monde financier, était d’autant plus grave que le placement des bons du trésor était, à ce moment, le seul moyen que le ministre des finances eût encore pour se procurer des fonds. La panique qui s’était déclarée parmi les déposans des caisses d’épargne, à la suite de deux déconfitures retentissantes, tarissait la source à laquelle le gouvernement s’était habitué à puiser; et comme la Banque de France n’était plus qu’à 120 millions de la limite légale de son émission, on ne pouvait plus songer à demander à cet établissement les services qu’on avait trop souvent obtenus de lui. Emettre, au lendemain même de la conversion, l’emprunt qu’on n’avait annoncé que pour l’année suivante, c’eût été ajouter au désarroi du marché des fonds publics. L’adoption des conventions était donc l’unique moyen d’alléger la situation en permettant de ramener au-dessous de 300 millions les budgets extraordinaires de