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instituteurs et institutrices laïques appelés à les remplacer, un crédit de 3 millions pour les instituteurs et adjoints nouveaux ; enfin, un troisième crédit de 12 millions comme supplément de subvention pour les écoles et les lycées. D’autres augmentations de crédits étaient prévues. Faudrait-il donc voter le budget en déficit ou réussirait-on à l’équilibrer? La commission du budget d’un côté, le ministre des finances de l’autre, consacrèrent plusieurs mois à l’étude de ce problème. A la reprise des travaux parlementaires, en novembre, M. Tirard vint confesser à la commission du budget que les recettes de l’exercice courant demeuraient au-dessous des évaluations, qu’il était à craindre que le mouvement rétrograde ne continuât pendant l’exercice suivant, qu’il fallait s’interdire toute dépense nouvelle, et qu’il était indispensable de réduire dans une forte proportion les crédits destinés aux travaux publics. Une lutte qu’on n’a pu oublier s’engagea alors entre le ministre des finances et son collègue des travaux publics, qui ne voulait consentir à aucun retranchement. Ce dernier gagna sa cause parce qu’il établit qu’en vue des élections de 1881 son prédécesseur avait entamé simultanément la construction de cent quatorze lignes de chemins de fer, ayant ensemble une longueur totale de 5,504 kilomètres et correspondant ainsi aux deux tiers du programme primitif de M. de Freycinet, lequel comprenait seulement 8,000 kilomètres à construire en dix années. Il était impossible d’arrêter les travaux commencés sans rendre inutile une partie de la dépense déjà faite et sans soulever de violentes réclamations de la part des députés. La seule concession consentie par M. Hérisson fut l’engagement de n’entreprendre en 1883 aucune construction nouvelle afin de laisser disponibles les 100 millions prévus pour les travaux neufs. On en revint donc, pour le budget de 1883, aux erremens auxquels M. Léon Say avait essayé de mettre fin ; on renouvela 37 millions des obligations qui allaient venir à échéance en 1883 ; on imputa 86 millions sur les excédens de recettes des exercices antérieurs ; on profita de la résurrection du budget extraordinaire pour y inscrire 98 millions de dépenses ordinaires ; et comme on n’avait plus aucune ressource, même d’emprunt, pour faire face à ce budget, on le vota avec un découvert de 93 millions, dont on autorisa le prélèvement sur cette dette flottante qu’on avait en même temps la prétention de réduire. Quant au budget ordinaire, la chambre, ayant jugé à propos d’y inscrire à la dernière heure un crédit de 6 millions pour pensionner les victimes du 2 décembre, elle le vota avec un déficit avoué de 700,000 francs. C’était la première fois qu’un budget était voté en déficit, et cet oubli du devoir le plus impérieux d’une assemblée législative détermina de la part de la minorité conservatrice une protestation publique. M. Tirard se défendit, devant