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IV.

Le premier exercice pour lequel les ministres des finances aient avoué l’existence d’un déficit dans le budget ordinaire est celui de 1882. En présentant, le 31 juillet 1883, le budget extraordinaire pour 1884, M. Tirard évaluait à 32 millions 1/2 le déficit déjà constaté dans le budget ordinaire de 1882. En regard de ce déficit, et comme consolation, il mettait les résultats des six budgets de 1876 à 1881, qui avaient donné ensemble un excédent de recettes de 563 millions. Il est vrai que, dans l’exposé de motifs du budget de 1885, le même ministre reconnaissait que quelques-uns de ces excédens de recettes, ayant été reportés de budget en budget, avaient joué le rôle de figurans du cirque et avaient été comptés plusieurs fois : se rectifiant lui-même, il ramenait à 446 millions la totalité des excédens obtenus avant l’ouverture de la période des déficits. On doit admettre comme réels l’excédent de 98 millions attribué à l’exercice 1876 et celui de 63 millions attribué à l’exercice 1877; mais, à partir de 1878, les chiffres des excédens de recettes deviennent contestables, la création du budget extraordinaire ayant permis de transporter à ce budget et de mettre ainsi à la charge de l’emprunt des sommes de plus en plus considérables qui auraient dû être supportées par le budget ordinaire. Le seul moyen d’arriver à connaître avec exactitude les résultats financiers des quatre années de 1878 à 1881 est d’additionner, d’une part, les recettes opérées par le trésor, et, d’autre part, toutes les dépenses effectuées au titre du budget ordinaire et du budget extraordinaire et de comparer les deux totaux. Si on fait cette comparaison pour cette période de quatre années, on arrive à constater une insuffisance de ressources de 1,426 millions, qui a dû être couverte par des fonds étrangers au budget et qui explique le rapide accroissement de la dette flottante à qui ces fonds ont été demandés en premier lieu.

On dira que ce résultat n’avait rien d’imprévu et que l’établissement du budget extraordinaire avait pour corrélation inévitable une succession d’emprunts : ce qui est sans excuse, c’est l’emploi, dans la préparation du budget ordinaire, de procédés irréguliers. On ne se bornait pas, en effet, à rejeter sur le budget d’emprunt une partie des dépenses ordinaires, afin de diminuer d’autant le chiffre de celles-ci et à ajourner, au moyen de renouvellemens, le paiement d’une portion notable des engagemens du trésor arrivés à échéance ; on accroissait indûment le chiffre des recettes en faisant figurer comme recettes effectives, outre les perceptions et les encaissemens opérés par le trésor, des ressources étrangères à l’exercice