Elles se sont fait accorder un prix de construction très élevé pour se mettre à l’abri de tout mécompte ; elles ont voulu avoir la garantie de l’état pour prévenir la dépréciation de leur crédit, et pour assurer à leurs actions un revenu minimum qui eût été fort compromis sans cette précaution. À ces conditions, les compagnies vont emprunter annuellement aux lieu et place de l’état, mais, en réalité, à son compte, 250 à 300 millions que le gouvernement aurait dû inscrire au budget extraordinaire et emprunter directement et dont il va désormais garantir le service et l’amortissement. Les compagnies porteront au compte de premier établissement les dépenses qu’elles vont faire : les progrès de ce compte augmenteront proportionnellement la charge de la garantie. Les ministres des finances et des travaux publiques ne l’ont point contesté; ils ont donné au parlement l’assurance que cette charge supplémentaire serait au maximum de 65 millions, qu’elle n’atteindrait ce chiffre qu’au bout de huit ou dix années pour commencer immédiatement à décroître et s’éteindre complètement au bout de quelques années. En établissant ces calculs, les ministres comptaient que les recettes des chemins de fer continueraient à progresser dans la même proportion que par le passé ; ils espéraient même que cette progression serait accélérée par la mise en exploitation des nouvelles lignes qui seraient autant d’affluens pour l’ancien réseau. On sait ce qui est advenu de ces calculs et de ces espérances. Les recettes des chemins de fer subissent une décroissance qui ne parait pas devoir s’arrêter de quelque temps. Les remboursemens à attendre des compagnies sont reculés dans un avenir de plus en plus lointain. C’est cet aléa redoutable pour les finances publiques qui a déterminé le gouvernement à ne plus laisser figurer au budget les paiemens à faire aux compagnies et à créer encore une nouvelle caisse, la caisse des garanties, qui recevra quelque jour les versemens problématiques à provenir des chemins de fer et qui, en attendant, se procurera avec la signature de l’état les fonds nécessaires à faire honneur à la garantie qu’il a donnée. Un orateur radical a donc exactement résumé cette situation au point de vue financier en disant que les conventions étaient l’emprunt greffé sur l’emprunt. Aussi que les contribuables se tiennent sur leurs gardes : voici qu’une campagne vient d’être entreprise pour imposer aux compagnies des abaissemens de tarifs; ce sont eux qui en feront les frais. Toute réduction dans les tarifs qui ne sera pas compensée par un développement du trafic et la production d’une recette équivalente, accroîtra désormais le fardeau de la garantie et tombera à la charge du budget général. Or, l’équité et le bon sens veulent que ceux qui usent des chemins de fer pour eux-mêmes ou pour leurs marchandises fassent seuls les frais des transports qui leur profitent ;
Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/399
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.