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s’était targuée d’avoir opère 60 millions d’économies et d’avoir ramené les dépenses à un chiffre intérieur de 4 millions aux dépenses de 1884. Ce tour de force devait paraître d’autant plus extraordinaire que le budget de 1884 avait abouti à un déficit considérable, et que certaines dépenses obligatoires avaient augmenté. Il était, par exemple, indispensable d’inscrire dans le budget de 1885 les arrérages de l’emprunt de 350 millions qui venait d’être contracté. Comme cet emprunt avait éteint quelques créances à la charge de la dette flottante, la commission avait feint de croire que la dette flottante n’avait reçu, du fait des déficits constatés, aucun accroissement de nature à compenser cette extinction, et elle avait admis une diminution de 500,000 francs sur le service de la dette flottante ; mais elle semblait presque avoir honte de son œuvre, car, dans le rapport spécial sur le ministère des finances, M. Sarrien disait à ce sujet : « La commission a accepté cette réduction sans se faire, d’ailleurs, aucune illusion sur la valeur de cette économie nouvelle. » Le mot économie paraîtra, sans doute, fort inattendu quand il s’agit d’une véritable dissimulation de dépense.

M. Léon Say a fait, ici même[1], la lumière sur les 60 millions d’économies qui avaient produit un excédent de recettes de moins de 100,000 écus sur un budget de plus de 3 milliards. Ces économies résultaient de l’emploi simultané de trois procédés fort peu usités jusque-là en finances et d’une correction contestable. La commission avait évalué la moyenne des annulations de crédits qui se produisent en fin d’exercice dans les grands services, et elle avait réduit d’autant la dotation de ces services. Or, les sommes rendues disponibles par les annulations constituaient une sorte de réserve sur laquelle on imputait tout d’abord les dépenses supplémentaires inévitables. Le budget de 1885 ne conservait donc aucune marge pour l’imprévu et pour les mécomptes. En second lieu, la commission avait calculé, d’après des tables de mortalité dont elle gardait le secret pour elle, les vacances d’emploi qui se produisent en moyenne dans le cours d’une année, et elle avait diminué d’une somme correspondante les crédits affectés au personnel des administrations publiques ; en sorte que, si les décès ou les démissions ne se produisaient pas en nombre suffisant dans un service, les employés qui en faisaient partie auraient dû être invités à tirer au sort lesquels d’entre eux ne seraient pas payés. Enfin, ces deux moyens ne suffisant pas encore, la commission avait retranché ou restreint des crédits indispensables : elle avait diminué de près de 2 millions le crédit annuel ouvert aux manufactures de l’état pour achats de matières premières, comme s’il était possible que la régie

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1885.