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devoir reparaître inévitablement, sous la forme de crédits extraordinaires, dès le lendemain du vote du budget, Par exemple, l’ouverture de certains lycées de filles avait été fixée au 1er octobre 1885 : il était donc indispensable d’inscrire au budget de cet exercice le traitement du personnel enseignant de ces lycées pendant un trimestre; mais, bien qu’il s’agît simplement d’une somme de 55,000 francs, cette inscription fut omise, ainsi que cela est reconnu dans un des rapports de la commission du budget. Il va sans dire que ce personnel devait néanmoins être payé ; mais, pour qu’il ne fût pas payé à découvert, il fallut demander un crédit extraordinaire en addition aux dépenses ordinaires de 1885. Parmi les crédits extraordinaires, au chiffre total de 3,911,550 francs, qui furent demandés par le même projet de loi, la plupart avaient pour objet de réparer ou des omissions incompréhensibles si elles n’étaient intentionnelles, comme les dépenses des missions scientifiques chargées d’observer le passage de Vénus, ou des réductions non justifiées sur le personnel et les frais des grands services du ministère des finances, ou des retranchemens sur les approvisionnemens nécessaires aux manufactures de l’état, et toutes ces omissions ou réductions avaient la même origine : l’impossibilité de conserver au budget ordinaire la simple apparence d’un excédent de recettes. Veut-on d’autres exemples? L’application de la loi qui a accordé des primes pour la marine marchande avait nécessité, dès la première année et pour quelques mois seulement, une dépense d’un peu plus de 9 millions : il y avait donc lieu de prévoir une dépense plus forte pour les douze mois suivans; néanmoins, la commission n’inscrivit au budget ordinaire qu’une somme de 10 millions, qu’il fallut presque doubler par un crédit extraordinaire. De même, le crédit annuellement affecté aux chemins vicinaux était, depuis la loi du 10 avril 1879, de 20 millions : la commission du budget, sans tenir compte des engagemens déjà pris par le ministre de l’intérieur, le réduisit arbitrairement à 10 millions dans le budget ordinaire de 1885. L’insuffisance du crédit étant indéniable, on essaya ensuite de la couvrir par un prélèvement de 10 millions sur le crédit affecté aux chemins vicinaux de l’Algérie. Les députés algériens protestèrent et, comme le sénat refusa de sanctionner ce procédé irrégulier de détourner un crédit de son affectation légale, il en fallut venir à un crédit extraordinaire de 5 millions.

La préparation du budget de 1885 a donné lieu aux mêmes omissions calculées et aux mêmes atténuations de crédits indispensables, et le fait était si flagrant que le sénat essaya, bien qu’en vain, de faire revenir la chambre sur certains retranchemens qui ne pouvaient être pris au sérieux. Le budget avait été voté par la chambre avec un modeste excédent de recettes de 285,216 francs; la commission