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mais le bail de cinq ans était sans nul doute le plus habituel, au moins dans les premiers siècles de l’empire. Ce ne fut guère qu’à partir du IVe siècle que l’on préféra les baux à long terme. D’ailleurs, la tacite reconduction était toujours admise. Si, à l’expiration du terme convenu, le fermier restait sur le sol sans opposition du propriétaire, cet accord des deux volontés impliquait la continuation du contrat pour une année et cela pouvait se renouveler indéfiniment.

Ce mode de culture par des mains libres fut d’un grand usage dans la société romaine. Horace, sur la petite terre que Mécène lui avait donnée, avait cinq fermiers. Ces hommes avaient-ils contracté avec lui un bail en bonne forme, il ne le dit pas et nous n’oserions l’affirmer. Ce qui est sûr, c’est que ces « cinq pères de famille qui ont chacun leur foyer, » n’étaient pas des esclaves. Jamais un esclave ne serait qualifié « père » même en poésie, et jamais on ne dirait de lui qu’il a un foyer. Horace nous montre ces mêmes hommes se rendant habituellement à Varia, la ville voisine, et son vers fait bien entendre qu’ils ne s’y rendent pas pour le marché seulement, mais pour les comices. Ils étaient donc citoyens du petit municipe. Fermiers ou métayers, qu’ils eussent un contrat régulier ou une simple convention verbale, ils étaient certainement des cultivateurs libres, et, moyennant une redevance, ils avaient les profits de ce qu’ils cultivaient.

Quarante ans après Horace, columelle, qui écrit un livre sur l’agriculture, recommande le louage de la terre. « Ce que le propriétaire ne peut pas faire valoir lui-même, ce qu’il ne peut pas au moins surveiller de ses yeux, il fera bien de le mettre aux mains d’un fermier. Toute terre, dit-il encore, profite plus dans les mains d’un fermier libre que dans celles d’un villicus esclave. « Il fait, à la vérité, cette réserve qu’on n’aille pas prendre pour fermier un citadin, un habitué du forum ; un tel homme ne manquerait pas de mettre un esclave à sa place, et ce serait la ruine pour la terre avec une série de procès pour le maître. C’est un campagnard qu’il faudra choisir, et l’on s’assurera qu’il réside sur la terre. L’écrivain agronome ajoute quelques conseils, par lesquels nous pouvons voir nettement la situation et les obligations ordinaires de ces fermiers. « Ayez des égards pour eux, dit-il, et ménagez-les. Tenez plutôt à ce qu’ils cultivent bien votre terre qu’à ce qu’ils paient exactement leur fermage. Ne soyez pas trop rigoureux s’ils ne vous apportent pas leur argent aux jours fixés. Soyez indulgent au sujet des petites prestations de bois ou d’autres choses qu’ils doivent ajouter au prix en argent. Surtout faites-en sorte de changer le moins souvent possible de fermier. C’est une terre heureuse que