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officiel et légal. Nous ne voyons pas que l’ager romanus ait été partagé en villages. Caton, Varron, Columelle, dans leurs traités d’agriculture, mentionnent parfois des bourgs qui sont des rendez-vous pour les échanges ou pour les plaisirs, mais ils ne montrent jamais que le domaine rural qu’ils décrivent fasse partie intégrante d’un village ou d’un bourg. Dans l’inscription de Véléia, les trois cents propriétés rurales sont réparties en quatre régions, mais non pas en villages, et elles font toutes partie du territoire de la cité. L’agellus d’Horace dépend de la petite ville de Varia, mais n’a aucune relation avec un village. On observe avec quelque surprise dans les livres des arpenteurs romains, ou agrimemores, que ces hommes qui par profession ne s’occupent que des choses rurales, ne décrivent jamais de villages. Pour eux, il n’existe que des villes, des cités, des municipes. Lorsque l’état fondait une colonie et qu’en donnant des terres à ses légionnaires il les transformait en petits paysans, il ne les établissait jamais dans des villages ; c’était une ville qu’il fondait, et il distribuait à ces colons le territoire de la ville nouvelle ; en sorte que ces paysans n’étaient pas des villageois, mais des citadins; ils n’étaient pas membres de petites communes rurales, mais citoyens d’une ville. L’absence de villages là où il nous paraîtrait le plus naturel d’en trouver, est un fait bien significatif.

Ce n’est pas à dire qu’il n’existât très souvent des groupes d’habitations rurales, semblables matériellement à nos villages. On les appelait vici. Le mot revient fréquemment chez les écrivains et dans les lois. Mais il faut faire attention que ces vici ne sont pas toujours des communes rurales, ne sont même pas toujours des agglomérations de paysans libres. Dans nombre d’exemples, le vicus est un petit groupe de cabanes où vivent les esclaves ou les colons d’un propriétaire. Il est visible qu’en ce cas le vicus ne ressemble en rien à nos villages modernes. Il est une dépendance de la villa du maître, de même qu’au moyen âge un petit village dépendra du château. Il peut même arriver qu’un seul propriétaire possède plusieurs de ces hameaux de colons autour de sa demeure. Dans le passage de Julius Frontin que nous avons déjà cité, plusieurs petits hameaux sont comme les membres inférieurs du domaine d’un grand propriétaire. Ainsi, au lieu que le domaine fasse partie d’une commune rurale, comme de nos jours, c’est souvent le village qui fait partie du domaine ou qui lui est subordonné.

Il n’est pas douteux, d’autre part, qu’il n’ait existé aussi des villages d’hommes libres. Quelques domaines se trouvant contigus ou voisins, les propriétaires n’avaient qu’à rapprocher leurs demeures; ils formaient un groupe, un vicus, et cela devenait une sorte de village. Les inscriptions en montrent plusieurs qui constituaient