de renouveler sans cesse avec une certaine ostentation prouvent assez l’instabilité des alliances.
Les trois empires sont d’accord pour le moment, ou, du moins, ils paraissent s’être remis d’accord ; la question est de savoir s’ils seront d’intelligence demain ou même dans quelle mesure ils s’entendent aujourd’hui. C’est le secret de ces entrevues qui viennent de se succéder encore une fois cette année dans les villes d’eaux d’Allemagne et qui ne laissent pas d’offrir des particularités, des nuances assez curieuses. La représentation a commencé à Kissingen par les entretiens du comte Kalnoky avec M. de Bismarck ; elle a continué avec plus d’éclat et de pompe à Gastein par la visite de l’empereur et de l’impératrice d’Autriche au vieil empereur Guillaume, visite qui n’a point été seulement, cela est bien clair, un acte de courtoisie. Jusqu’ici, l’Allemagne et l’Autriche, représentées par les deux souverains et leurs chanceliers, sont seules en scène, offrant une fois de plus le spectacle de leur intimité, occupées à resserrer le lien qui les unit. La Russie ne paraît pas encore ou du moins elle semble vouloir rester dans un certain demi-jour, avec l’intention d’éviter de se montrer en satellite de M. de Bismarck ; elle tient, on le sent, à se faire une attitude indépendante et réservée, comme pour mieux prouver que, sans se séparer des deux autres empires, elle entend garder une place à part dans l’alliance, comme elle a toujours prétendu garder sa liberté d’action. Qu’en est-il de tout ce mouvement plus ou moins distinct et nuancé, plus ou moins mêlé d’intrigues, qui ne laisse pas d’être commenté un peu partout ? On ne le voit pas encore, lorsque, tout à coup, le chancelier russe, M. de Giers, qui n’est pas allé à Gastein, arrive à son tour à Franzensbad, ayant lui aussi sa cour de diplomates, entouré de ses ambassadeurs à Londres, à Paris, à Vienne, appelés en consultation, — et, cette fois, c’est M. de Bismarck en personne qui se déplace au lieu d’attendre les visites, qui va au-devant du représentant du tsar, à Franzensbad. Nouvelles entrevues, nouvelles conférences, dont le secret, bien entendu, est toujours gardé. Pour que M. de Bismarck se soit ainsi déplacé et ait senti le besoin d’aller sans plus de retard traiter directement en plénipotentiaire de l’Allemagne et de l’Autriche avec M. de Giers, il faut bien qu’il y ait eu une raison, et la raison pour le coup est assez évidente : c’est cette nouvelle aventure bulgare qui est arrivée tout juste entre les premières.conférences de Kissingen et l’entrevue de Franzensbad, qui a créé, pour les trois cours impériales, la nécessité de se concerter de plus près, de s’entendre pour détourner ou tout au moins limiter des complications dangereuses pour la paix. Comment s’entendra-t-on ou s’est-on entendu, s’il y a eu entente à Franzensbad ? C’est une autre question qui reste provisoirement en suspens.
Pour le moment, rien n’est certes plus curieux que cette aventure