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une politique qui s’égare, pour remettre en honneur les garanties des institutions libres et les sérieuses traditions d’un gouvernement éclairé. C’est tout simplement la signification et l’intérêt de cette tentative qui vient d’être faite par quelques hommes de bonne volonté et occupe encore l’attention par ce temps de vacances. Un député d’un esprit indépendant et d’une raison pratique, conservateur par ses traditions, libéral par ses instincts, M. Raoul Duval, qui a vécu dans la fourmilière des partis, a eu l’idée de proposer la formation d’un nouveau groupe avec un programme qui, à la vérité, n’a rien d’extraordinaire, qui n’est que le plus simple résumé des revendications du bon sens et de l’équité. Et que propose-t-il, ce programme du nouveau groupe dont M. Raoul Duval se fait le porte-drapeau ? Il dit tout bonnement qu’en restant sur le terrain constitutionnel, on s’opposera à toutes les entreprises socialistes et radicales ; il ajoute qu’on respectera le budget des cultes et la liberté des consciences dans l’éducation, qu’on repoussera toutes les mesures de persécution religieuse aussi bien que les lois d’exception et de proscription ou de spoliation, qu’on défendra l’ordre financier, que, dans les projets militaires, on sauvegardera les intérêts du recrutement des carrières libérales, du clergé et de l’enseignement. En d’autres termes, c’est le minimum d’une politique de défense conservatrice dans les conditions de la légalité constitutionnelle.

Après cela, que la nécessité d’un nouveau groupe pour soutenir ce programme soit plus ou moins démontrée, que le groupe doive s’appeler centre gauche ou droite républicaine ou parti libéral-conservateur, ce n’est plus qu’un jeu de polémiques, ce n’est pas la vraie question. L’important et l’essentiel, c’est l’occasion offerte aux hommes sensés et sincères des divers camps de se rallier autour d’une politique dont la république peut profiter si les républicains le veulent, qui reste, dans tous les cas, la sauvegarde de la paix civile, des intérêts et des libertés de la France. Ce n’est pas la première fois que cette tentative se produit ; elle a pour elle le nom du plus illustre des hommes d’état, de M. Thiers en personne, qui, avant tous, a dit que la république serait conservatrice ou qu’elle ne serait pas. Elle n’a rien empêché, il est vrai, ni avec M. Thiers ni avec ses successeurs plus modestes ; elle n’a pas arrêté le torrent des violences radicales et révolutionnaires. Si elle se reproduit aujourd’hui, c’est que les circonstances lui ont rendu l’à-propos, c’est qu’elle répond à une situation nouvelle après une expérience de quelques années, qui a porté ses fruits amers, qui a pu éclairer bien des esprits.

C’est le destin des politiques modérées, on ne le sait que trop, de périr le plus souvent étouffées entre les exigences et les passions des partis extrêmes, de ceux qui veulent tout ou rien. — Vaine tentative, disent déjà les uns à M. Raoul Duval : il n’y a pas de conciliation avec