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à diriger le mécanisme de l’existence. » Heureusement le scepticisme politique n’a pas tari en nous toutes les sources de l’enthousiasme. La France produit encore des missionnaires de plus d’un genre prêts à risquer leur vie pour leur idée. Ses savans connaissent la fièvre des recherches, l’ivresse des découvertes et l’héroïsme des inventions. Ses marins, ses voyageurs se livrent avec joie à leur génie, qui les entraîne au bout du monde, et ils ne demandent souvent leur récompense qu’au démon qui les possède.

On peut ajouter que notre nation est capable de s’éprendre d’un vif amour pour certaines entreprises où son honneur s’intéresse. Quand elle se fut avisée que ses écoles laissaient beaucoup à désirer, elle en poursuivit la réforme avec une ardeur où l’on peut trouver quelque excès, mais qu’on aurait mauvaise grâce à dénigrer après qu’Anglais ou Allemand, plus d’un étranger a reconnu l’importance de l’œuvre accomplie en si peu d’années. On ne peut accuser la France « de repousser les mouvemens généreux comme une maladie de l’imagination que le grand air doit dissiper. » Elle ne marchande pas les témoignages de son admiration, les couronnes, le bronze et le marbre aux hommes qui l’ont honorée. Que dira-t-on de ses sentimens pour son armée, qui ne lui fut jamais plus chère? Lorsque défilent au soleil ses régimens et leurs drapeaux, elle s’exalte, elle s’émeut, elle croit voir passer devant elle ses plus fières espérances et les meilleures de ses vertus. Mais c’en est fait de l’enthousiasme politique, et le malheur n’est pas grand si c’est le bon sens qui a pris sa place.

Beati possidentes ! a dit un grand homme d’état. La république est en possession, et c’est la république qui bénéficie du désabusement de la nation et de son dégoût pour les changemens. A ceux qui lui proposent de nouvelles aventures elle répond : « A quoi bon? je vois bien ce que j’y perdrais, je ne vois pas aussi bien ce que j’y gagnerais, et je ne suis pas sûre que ce qu’on me donnera vaudra beaucoup mieux que ce que j’ai. Quoique j’aie beaucoup cherché, je n’ai pas trouvé, et certains visages qui me plaisaient ont trompé mes espérances. Il est permis à une jeune fille de croire ingénument aux déclarations de ses prétendans ; je suis déjà dix fois veuve, la méfiance m’est venue avec les années et je soupçonne tous les partis de n’en vouloir qu’à ma dot. » Le député de la droite que nous avons cité pense comme nous que, si les deux tiers des citoyens français sont indifférens à la forme du gouvernement, ils veulent être bien gouvernés, et que, si la république gouvernait mal, ils lui préféreraient la monarchie. Mais ils n’y mettront point de hâte; pour les décider à courir les hasards d’une nouvelle révolution, il faudrait que la république gouvernât très mal et se perdît par l’énormité de ses fautes.

Trois partis se disputent la France. Le premier lui dit : « Cette