L’idée décourageante par excellence, dans la théorie de révolution aujourd’hui en faveur, c’est celle de dissolution, qui y semble d’abord invinciblement liée. Depuis Héraclite jusqu’à M. Spencer, les philosophes n’ont jamais séparé ces deux idées. Toute évolution ne doit-elle pas aboutir, par un rythme nécessaire, à la dissolution finale et à la mort? L’expérience que nous avons des individus et des mondes parait en effet, jusqu’à présent, répondre par l’affirmative. Nous ne connaissons que des mondes qui ont fait ou feront naufrage. Quand le cadavre d’un marin a été jeté à la mer, les compagnons qui l’ont aimé relèvent le point exact de latitude et de longitude où son corps a disparu dans l’océan : deux chiffres sur un feuillet de papier sont le seul vestige qui subsiste alors d’une vie humaine. On peut croire qu’un sort analogue est réservé au globe terrestre et à l’humanité entière : ils doivent un jour sombrer dans l’espace et se dissoudre sous les ondes mouvantes de l’éther ; à ce moment, si de quelque astre voisin et ami on nous a observés, on marquera le point de l’abîme céleste où notre globe a disparu, on relèvera l’ouverture de l’angle que formaient pour des yeux étrangers les rayons partis de notre terre, et cette mesure de
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LES
HYPOTHÈSES SUR L’IMMORTALITÉ
DANS LA PHILOSOPHIE DE L’ÉVOLUTION