Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettre qui, par sa franchise et le sentiment qui la dictait, méritait bien quelque attention.

« Ce ministre s’est contenté de faire répondre verbalement quelques phrases peut-être plus satisfaisantes que le langage qu’il avait tenu précédemment, mais trop peu significatives pour suppléer à une réponse par écrit qu’il a déclinée. Votre Majesté impériale conçoit ma position, et elle ne laissera, j’espère, pas échapper l’instant favorable de déjouer les manœuvres de nos ennemis en déclarant que la question n’est pas de savoir si les Français resteront Français, mais s’ils veulent continuer à vivre sous l’oppression de cinq tyrans ou revenir à la monarchie modérée sous laquelle ils ont prospéré depuis quinze cents ans et à l’autorité légitime du chef de la maison de Bourbon, dont le gouvernement paternel les rendait depuis si longtemps heureux; s’ils veulent accepter les secours des souverains généreux qui ne viennent point pour envahir leur territoire dont ils jurent de conserver l’intégrité, mais, les aider à recouvrer leur religion, leurs lois et leur liberté, et qui, prêts à poser les armes le jour où l’ordre sera rétabli en France, sont en même temps résolus à combattre sans relâche des principes et un état de choses incompatible avec le repos de l’Europe, la sûreté et le bonheur de leurs propres sujets.

« Cette déclaration, non moins efficace que les éclatantes victoires du maréchal de Souvarof et de l’archiduc. Votre Majesté impériale l’obtiendrait de la cour de Vienne; elle a sans doute acquis le droit de l’exiger d’elle, et les discours des ministres britanniques, lors des derniers débats du parlement d’Angleterre, donnent lieu de croire que le cabinet de Saint-James ne ferait pas de difficulté d’y adhérer. »

Ainsi, par tous les moyens, sous des formes diverses, Louis XVIII manifestait l’inébranlable conviction que les rigueurs de son exil et l’étendue de ses malheurs n’affaiblirent jamais. Non, l’Europe ne pouvait se passer de lui. Il était la clé de voûte de l’équilibre continental. Sans lui, en dehors de lui, il n’y avait ni paix durable, ni ordre possible. Les puissances avaient autant besoin de lui qu’il avait besoin d’elles. C’est grâce à cette conviction qu’il résistait aux épreuves réitérées, qu’il se gardait contre le découragement et que les événemens qui auraient dû le briser le laissaient debout. Le mauvais vouloir de l’Angleterre et de l’Autriche ne pouvait rien contre elle. Il suivait d’un esprit confiant les succès des armées alliées, avec la certitude que, quelque répugnance qu’on éprouvât à l’associer à ces succès, c’est lui seul qui serait appelé à en profiter, parce que seul il était en état de les féconder. Il se croyait si proche d’un dénoûment heureux, même lorsque de toutes parts il était