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un gouvernement plus propre qu’aucun autre à rétablir la tranquillité en France et la paix en Europe ; 4° cependant, ne voulant pas exiger des Français de vivre sous tel ou tel régime, les puissances seraient toujours disposées à traiter de la paix aussitôt que les Français auraient un gouvernement stable et susceptible d’inspirer confiance et sécurité.

Le comte d’Artois donna son approbation aux trois premiers de ces articles, mais il protesta contre le quatrième : « J’ai fait remarquer, écrivait-il, que cet article est capable de détruire les effets du manifeste en ce qu’il ouvre la porte à toutes les ambitions, à tous les systèmes et que, loin de rassurer les Français, il ne peut que les alarmer, puisqu’au lieu de leur rendre l’espoir de la paix, il jettera parmi eux une nouvelle pomme de discorde, qu’enfin il est dangereux en lui-même pour tous les souverains, puisqu’il consacre le premier de tous les principes révolutionnaires, savoir le droit des peuples à l’insurrection pour changer la forme de leur gouvernement.» Le comte d’Artois affirmait donc que les puissances devaient, dans leur intérêt comme dans celui du roi, exprimer l’intention positive de rétablir la monarchie et le « légitime monarque. » Mais le cabinet anglais, qui, malgré les assurances contraires, ne voulait pas s’engager envers les Bourbons, objectait qu’il n’amènerait jamais l’Autriche à s’associer à un tel langage et il soutenait avec énergie sa formule comme la meilleure. Le comte d’Artois ne parvint pas à en avoir raison[1].

A Vienne, les démarches faites par l’agent du roi, La Fare, évêque de Nancy, auprès du baron de Thugut, n’étaient pas couronnées de plus de succès. Aux premières ouvertures de La Fare touchant la nécessité d’un manifeste, le ministre impérial répondit durement « et même avec humeur. » Il mit en doute l’attachement des Français pour leur roi légitime. Il déclara qu’une proclamation des alliés, loin de produire l’effet qu’en attendait « M. le comte de l’Isle, » fournirait aux républicains l’occasion de lever une armée redoutable. Quant à la reconnaissance du roi, elle ne pouvait résulter que d’une démarche de l’empereur de Russie auprès des cours. Et comme La Fare objectait que l’exemple donné par Paul Ier équivalait à la plus significative des démarches, Thugut répliqua : « Que Louis XVIII demande à l’empereur Paul de le mettre k la tête d’une armée imposante et de se présenter en cet état à la France. Alors, il sera temps de le reconnaître ; alors l’empereur François approuvera tout

  1. Il retourna à Edimbourg si découragé qu’au lieu d’envoyer à son frère la relation de son voyage, il se contenta de lui écrire qu’il la lui enverrait prochainement. Le roi se plaignit de ce qu’il appelait des réticences et demanda des explications qu’il reçut peu après.