Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rappelant à sa cour le feld-maréchal Souvarof, tenu depuis longtemps en disgrâce, il lui confiait le commandement de ses troupes, lui donnait l’ordre de se rendre en Italie, d’y opérer sa jonction avec l’armée autrichienne, commandée par le général Mêlas, et après en avoir chassé les Français, de se porter en Suisse pour entrer de là en France par la Franche-Comté. Presque en même temps, croyant déjà tenir la victoire dont les premiers succès de ses armes semblaient l’assurer, il s’adressait aux puissances, les invitant à envoyer des plénipotentiaires à Saint-Pétersbourg afin d’y former un congrès dans lequel on délibérerait sur les moyens de rétablir l’équilibre européen et sur les bases de ce rétablissement. Se passionnant pour cette idée, qu’avec sa mobilité habituelle il abandonnait presque aussitôt après l’avoir conçue, il la faisait connaître, le 16 juillet, à Louis XVIII. « Le sort, des états et celui de Votre Majesté n’y sera pas oublié, ajoutait-il, car j’en ferai l’objet de ma sollicitude. »

Ce langage achevait d’électriser le roi. Déjà, à la nouvelle de la signature du traité anglo-russe, il s’était empressé de demander à Paul Ier une place à la tête de son armée. « Votre Majesté Impériale tient entre ses mains mon existence future, celle de ma patrie et de mes sujets. C’est beaucoup sans doute, mais elle y tient aussi ma gloire. C’est encore plus pour moi et je la conjure de ne pas perdre de vue un intérêt qui m’est si cher. Mon oisiveté pendant que tant de puissances combattent les tyrans usurpateurs de mon autorité est une tache sur ma vie. L’âme généreuse de Votre Majesté ne voudra pas qu’elle y demeure longtemps et je ne cesserai de réclamer avec confiance sa puissante intervention pour arriver où l’honneur m’appelle[1]. »

Cette lettre était partie depuis quelques jours à peine que les nouvelles des victoires par lesquelles les alliés ouvrirent la campagne de 1799 arrivaient à Mitau. En Allemagne, Jourdan venait d’être battu par l’archiduc Charles. En Italie, Scherer avait été rejeté de l’Adige sur le Mincio. Moreau était désigné pour le remplacer. Mais, il allait, lui aussi, reculer devant les troupes de Souvarof. Les défaites de Joubert à la Trebbia et à Novi, sa mort prématurée, devaient aggraver encore nos désastres, dont il était donné à Masséna d’arrêter le cours en un seul combat.

Au bruit de ces victoires des alliés favorables à sa cause, Louis XVIII renouvelle sa demande: « Si j’en crois le marquis de Gallo, que j’ai vu dimanche à son passage, le désir de la cour de Vienne est que ce soient les troupes russes qui entrent les premières tandis que l’archiduc

  1. Mitau, 28 mars 1799.