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comme le plus dévoué de ses sujets. Il a désiré que je n’oubliasse pas ces expressions : constitutionnels de 1797, et il m’a témoigné mettre beaucoup de prix à ce que ces expressions fussent connues de Votre Majesté. Je vais envoyer à ce général le chiffre dont il doit se servir pour écrire à Mitau[1]. »

Ces explications données, Pichegru n’avait plus rien à faire à Londres. Il en partit le 3 décembre, peu de jours après Fauche-Borel, qu’il avait hâte de rejoindre. Un navire de la marine anglaise devait le conduire à Cuxhaven, petit port sur l’Elbe, à vingt lieues de Hambourg. A la même date, d’Harcourt annonçait au roi ce départ auquel étaient attachées tant d’espérances. « Je sais positivement qu’il est content et que la manière dont il a été reçu ici le confirme dans l’intention de réparer sa conduite passée et de se venger de celle des factieux à son égard. »


II.

Pichegru avait quitté Londres le 3 décembre 1798. Le général Willot y arriva le lendemain. Il venait de Suisse. Durant quatre mois, il était resté à Uberlingen, près de Constance, vivant dans la retraite, uniquement appliqué à rétablir sa santé, compromise par les rigueurs de l’exil.

Les émigrés lui firent l’accueil qu’ils devaient à un partisan de la bonne cause. Pichegru leur avait parlé de lui en termes flatteurs. Ils n’ignoraient pas qu’en Vendée, où il avait servi sous les ordres de Hoche, Willot, par sa modération, son humanité envers les royalistes qu’il combattait, s’était attiré les soupçons du général en chef de l’armée républicaine; qu’à Marseille, où l’avait envoyé le Directoire au commencement de 1797, il s’était montré l’adversaire résolu des jacobins. Ils savaient, en outre, qu’il possédait la confiance du roi[2]. Enfin, c’était un « fructidorisé ; » cela seul lui eût

  1. Quoique le rapport d’où sont extraites ces citations ne porte pas de date, il est certain qu’il fut écrit le 1er ou le 2 décembre 1798. Pichegru avait exprimé le désir que le compte-rendu de sa conversation fût transmis au roi de vive voix, quand Dutheil irait à Mitau. Mais le comte d’Artois, à qui Dutheil le répéta, voulut que son frère en eût connaissance sans retard. Dutheil, empêché de partir, écrivit.
  2. Vers le milieu de l’année 1797, Louis XVIII écrivait à Précy, en prévision d’une tentative de débarquement en Provence: « Il paraît que le général Willot, qui commande en personne, est dans les bons principes. Il paraîtrait bien heureux de s’en assurer et d’employer à cet objet la bonne volonté de M. Wickham, que vous pourriez seconder par des espérances au nom du roi, que vous êtes déjà autorisé à donner à ceux qui se rendront utiles au rétablissement de la monarchie et du monarque légitime. »