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de la Suisse, avec l’ordre de provoquer un mouvement insurrectionnel parmi les populations helvétiques, lesquelles, après avoir reçu les soldats français comme des libérateurs, ne supportaient qu’avec impatience un joug qui, sous prétexte d’assurer leur liberté, leur enlevait toute initiative, les menaçait du sort de Venise et de Gênes.

Elle fomentait une sédition analogue en Hollande et en Belgique. A son instigation, huit députés hollandais venaient à Londres au mois de janvier[1], se présentaient au prince d’Orange, aux ministres britanniques, demandaient douze mille hommes, des munitions, des armes, promettaient à ce prix d’expulser les Français du territoire des Pays-Bas. Le cabinet anglais prenait envers eux de formels engagemens. Il les invitait même à s’entendre avec les mécontens de Belgique, à combiner un mouvement commun. Au mois de mars, un accueil non moins encourageant était fait à des députés des provinces belges attirés à Londres, ainsi que l’avaient été les Hollandais. Avec eux, les ministres se montraient plus explicites encore : ils leur promettaient une armée prussienne de 40,000 hommes qui entrerait en Hollande au moment où les Autrichiens commenceraient les hostilités sur le Rhin. Enfin, quand ces députés s’en retournèrent, des émissaires anglais étaient chargés de les accompagner jusqu’en Belgique pour juger de ce qu’il convenait de faire.

L’Angleterre, dès ce moment, parlait et agissait comme si la coalition eût été déjà reformée. C’était en apparence parler et agir prématurément, car les négociations en vue de la renouer s’engageaient à peine. Mais le cabinet anglais s’était adressé simultanément à la Prusse, à l’Autriche, à la Russie. Par l’habile entremise de son ambassadeur à Saint-Pétersbourg, lord Withworth, il cherchait à mettre en mouvement les cours du nord; à obtenir de Paul Ier qu’en dépit de ses défiances contre l’Autriche, il usât de son influence pour décider « l’empereur des Romains » à reprendre les armes. Il agissait dans le même dessein auprès de la Prusse. Bien que la négociation traînât en longueur, — elle dura pendant toute l’année 1798, — le cabinet britannique ne perdait pas confiance. Le 30 octobre, le duc d’Harcourt, représentant à Londres de Louis XVIII, tenu au courant de ce qui se passait, écrivait à Mitau : « l’empereur François ne veut entrer en campagne qu’après l’hiver. Le roi de Prusse est ébranlé. Nos princes seront contens. La fortune changera donc enfin. » d’Harcourt se faisait illusion en ce qui concernait la Prusse, qui ne voulait pas rompre la paix avec

  1. Archives de Moscou.