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de missels, n’était sans doute, comme le suppose le pieux Ozanam, qu’un baron peu endurant ; mais je serais presque tenté de regretter le loup, qui mit si dévotement, selon la légende, sa patte dans la main du saint, jura d’être pacifique à l’avenir, et vieillit en ami au foyer des bonnes gens d’Agubbio.

Une organisation très simple, qui fut le principal objet de la seconde règle de 1222, contribua aux rapides progrès de l’ordre des mineurs. Comme ils ne s’enfermaient point en de grandes maisons monacales et campaient, pour ainsi dire, au cœur de la chrétienté, ils se multiplièrent sans aucun souci d’intérêt temporel et attirèrent à eux tous ceux que séduisait la liberté aventureuse du nouvel apostolat. Les mineurs se distribuent l’Occident par province ; le ministre provincial surveille les gardiens ou ministres délégués à la direction des couvens ; le ministre général, qui réside à Assise, est élu par les provinciaux ; ceux-ci sont désignés par le chapitre général, convoqué chaque trois ans en Ombrie, au jour de la Pentecôte. Un cardinal protège l’ordre dans les conseils du saint-siège. Les titres aristocratiques de père, d’abbé, de prieur disparaissent, en même temps que l’esprit du monachisme bénédictin, où la communauté, constituée féodalement, dépendait absolument de son abbé. Saint François comprit que, pour le vin nouveau, il fallait des amphores neuves. Il présenta donc à l’Italie communale du XIIIe siècle une république religieuse qui, grâce au parlement d’Assise, est très libre en elle-même, très forte par son unité en face du monde séculier, très indépendante du côté de Rome par la souplesse même de sa hiérarchie. Il fit plus encore. Tandis qu’il offrait la clôture rigoureuse des sœurs clarisses aux femmes dont la faiblesse fuyait les dangers du monde, il trouva le moyen de faire pénétrer jusqu’au fond de la société laïque le génie de son institut. En 1221, il fonda le tiers-ordre pour les hommes et les femmes qui vivent de la vie commune, pour les époux, même pour les prêtres séculiers ; c’est dans la grande ville de Florence qu’il en mit la première confrérie. Le tiers-ordre s’ouvre à tous, riches ou pauvres, artisans ou nobles ; toute l’observance qui y est prescrite se rapporte aux préceptes fondamentaux de la foi et de la charité chrétiennes. Les frères sont tenus de respecter les commandemens de Dieu et ceux de l’église, de se réconcilier avec leurs ennemis, de restituer le bien injustement acquis, de se vêtir simplement, de faire leur testament dans les trois mois qui suivent leur profession, d’éviter les bals, les festins, les théâtres, les procès, les vains sermons. « Ils ne porteront aucune arme offensive, si ce n’est pour la défense de l’église romaine, de la foi catholique et de leur patrie. » Ainsi, la commune franciscaine remplit l’enceinte de la commune municipale, mais elle en confond les classes ;