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point sans doute exagérer cet incident qui vient de s’élever à propos de la création et de l’envoi d’une représentation diplomatique du saint-siège en Chine; il prouve du moins que notre influence ne s’exerce pas sans contestation, sans rencontrer des limites, d’autres influences. Jusqu’ici c’était la France qui avait le privilège traditionnel, consacré par des traités, d’être la seule protectrice reconnue des chrétiens en Chine ; c’était le représentant de la France qui donnait des passeports aux missionnaires de toutes les nations, qui traitait des intérêts des communautés chrétiennes avec le gouvernement de Pékin. Aujourd’hui, après de longues négociations provoquées et poursuivies depuis quelques années par la Chine elle-même, le saint-siège s’est décidé à avoir, lui aussi, sa représentation diplomatique à Pékin ; le représentant pontifical est même déjà nommé. Le pape a sans doute eu le soin de ne rien laisser ignorer au gouvernement français, de ménager, dans les négociations qu’il a suivies, les droits et les privilèges de la France; le fait n’existe pas moins, et il a éveillé, à ce qu’il semble, quelques susceptibilités à Paris. Qu’on s’en soit ému, en effet, c’est bien possible. Malheureusement c’est là un de ces points où se dévoile brusquement le danger de cette guerre religieuse qui est l’essence de la politique républicaine du jour. Si ce n’eût été cette guerre accompagnée de menaces incessantes de violences nouvelles, il est plus que douteux que le prudent Léon XIII eût jamais songé à prendre une initiative qui atténue plus ou moins notre protectorat en Chine, et, par le fait, l’espèce d’échec que subit notre politique n’est que l’expiation du triste esprit de secte qui domine dans nos affaires. Merveilleuse occasion, dit-on, pour en finir avec les éternelles questions de la séparation de l’église et de l’état, du budget des cultes, de l’ambassade auprès du saint-siège! Et après? A quoi cela servirait-il ? On ne réussirait qu’à désarmer de plus en plus la France d’un de ses plus puissans moyens d’action dans l’extrême Orient et à envenimer plus que jamais les divisions intérieures qui sont notre faiblesse.

Ce n’est que pour la forme, pour se constituer, que le parlement britannique s’est réuni ces jours derniers en attendant de se réunir plus sérieusement d’ici à peu pour entendre le discours royal d’inauguration, programme d’une politique nouvelle. Pour le moment, l’Angleterre, remise par degrés des agitations électorales qui ont décidé la défaite de la politique libérale de M. Gladstone, est rentrée dans la paix, et le nouveau cabinet a eu le temps de se former, de se compléter sans trop se hâter. Cette formation d’un ministère n’est point, à vrai dire, sans avoir offert quelques difficultés, et parce que lord Salisbury, chargé de cette œuvre, avait à tenir compte de tous les élémens d’une situation encore assez compliquée, et parce que le choix des hommes pour les diverses positions du gouvernement est toujours