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offre évidemment plus d’un danger. D’un côté, cet enseignement secondaire spécial qui se passe de l’étude des langues anciennes, qui conduit comme l’autre aux grades universitaires, est une tentation périlleuse. Il risque de « détourner des vieilles humanités » qui ne sont plus qu’un exercice de luxe ; il tend « qu’on le veuille ou non, qu’on l’avoue ou non, selon le mot d’un rapport présenté au conseil supérieur de l’instruction publique, à l’extinction graduelle de l’enseignement classique. » d’un autre côté, c’est une plus grande nouveauté qu’on ne le croit. Chose étrange ! depuis longtemps, précisément dans la France démocratique, la première pensée de ceux qui se sont occupés, en politique, de l’instruction de la jeunesse, a été de maintenir l’unité de l’enseignement pour tous. Que fait-on avec le régime nouveau ? Ou bien l’enseignement classique s’éteindra par degrés comme on le dit, ou bien ceux qui se livrent à ces études sont destinés à former une sorte de caste, d’aristocratie de lettrés ou de mandarinat. M. le ministre de l’instruction publique croit qu’il n’en sera rien, que tout ira pour le mieux, que les vieilles humanités ne seront pas délaissées, que l’enseignement nouveau complétera l’ancien sans l’éclipser ; il le croit, il n’en est pas sûr, les esprits les plus éclairés du conseil supérieur pensaient le contraire ; le danger justement est de tenter sur l’intelligence française de ces expériences qui peuvent compromettre une génération, et, qu’on ne l’oublie pas, ce n’est plus ici seulement une affaire d’écoles, c’est pour la France une diminution de force morale et de crédit dans le monde.

Non, évidemment, ce n’est point en épuisant notre nation par une politique agitatrice de parti, en mettant l’instabilité dans son enseignement comme dans son organisation militaire, le trouble dans sa conscience, le déficit dans ses finances, qu’on peut lui rendre, à défaut de l’éclat des grands jours, le rôle d’une puissance consultée et écoutée. Que M. Jules Ferry exalte la politique extérieure de la république en la comparant avec celle de tous les autres régimes, que M. le ministre de l’instruction publique, dans ses discours de Sorbonne, se plaise à montrer une France destinée à être avant peu plus belle et plus grande que nos pères ne l’ont jamais connue, c’est bon à dire à des électeurs ou à de jeunes esprits qu’on veut encourager à la vie. La vérité trop évidente pour le moment, c’est que notre crédit extérieur n’est pas précisément en progrès, et cela par une suite inévitable de conditions intérieures qui rendent toutes les relations difficiles, toute action suivie impossible.

La vérité trop palpable, c’est que la France reste en dehors des grandes délibérations de l’Europe, qu’elle n’a pas été heureuse en Grèce après l’avoir été si peu, il y a quelques années, en Égypte, qu’elle n’a pas même dans l’extrême Orient, après sa laborieuse conquête du Tonkin, la position et l’autorité qu’elle pourrait avoir. Il ne faudrait