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ses amis les radicaux, a visiblement perdu tout sang-froid. Il a commencé par nier l’authenticité des lettres, il a fini par l’avouer. Il a cru se dégager par des boutades ou des fanfaronnades, en se drapant en victime de son zèle républicain, en défenseur de la république contre des conspirateurs imaginaires : le coup était porté!

La veille encore, ce ministre aux fringantes allures était en train de devenir presque un personnage ; il faisait au moins parler de lui. Il intriguait l’opinion, il éclipsait et il impatientait ses collègues, qui ne savaient comment mettre un frein à cette manie de popularité tapageuse. Le lendemain, il n’a plus été qu’un de ces personnages d’aventure que la fortune des révolutions improvise pour les laisser retomber aussitôt, qui passent comme des ombres sur la scène. Les arrêtés de radiation d’aujourd’hui ne suffisent pas à faire pardonner à M. le général Boulanger ses obséquiosités d’autrefois. Les républicains doctrinaires qui veulent garder la république pour eux lui administrent de sévères corrections. Les radicaux eux-mêmes l’accablent de leur silence, ou bien ils ne voient dans ses compromettantes équipées qu’un moyen de plus de l’asservir à leur cause. De toute part, s’élève cette question de savoir comment l’homme qui a joué un si singulier rôle peut rester le chef de l’armée. M. le général Boulanger restera encore ministre ou il cessera de l’être : au fond, ceux qui sont le moins fâchés de son aventure, ce sont ses collègues, qu’il importunait: se débarrasser de lui pouvait être une difficulté, avec l’importance factice qu’il s’était donnée ou qu’on lui avait donnée; aujourd’hui la fantasmagorie a disparu, le personnage est jugé : ce n’est plus rien, ce n’est qu’un ministre compromis.

Au milieu de ces incidens passagers, élections, ou aventures de M. le ministre de la guerre, cependant, ces vacances ont commencé par une de ces cérémonies traditionnelles qui ont toujours leur intérêt et leur attrait, qui tranchent avec les banalités ou les agitations de la politique. Tous les ans, à cette époque, se presse dans la vieille Sorbonne, cette jeunesse ardente et vive des lycées, qui est la fleur de la France, qui va recevoir ses récompenses et ses couronnes après avoir entendu des discours. Cette année, la réunion qui vient d’animer encore une fois la Sorbonne semble avoir une sorte de caractère particulier, peut être plus sérieux que dans d’autres circonstances, presque émouvant pour ceux qui réfléchissent, parce qu’on sent que l’enseignement public passe par une de ces crises qui peuvent décider de l’avenir de la jeunesse française, de la culture intellectuelle de notre pays; méthodes, direction morale, organisation des études, tout est soumis à l’esprit d’expérimentation et d’innovation.

On veut tout réformer, et une des plus graves de ces réformes dont on s’occupe est assurément celle qui a été récemment soumise au conseil supérieur de l’instruction publique, qui divise l’enseignement