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l’avant-coureur d’une triade inconnue jusqu’à présent, ne fait non plus partie d’aucune, et enfin le dernier, l’hydrogène, se range assez loin de l’ensemble des élémens connus.

La catégorie des métaux fournit des exemples du même ordre ; seulement, et la différence est digne de remarque, les corps isolés, au lieu d’être comme le fluor, l’oxygène ou l’azote, des matières à poids atomiques faibles (19,16 et 14), se singularisent, au contraire, par l’extrême pesanteur de leur atome, corrélative de leur caractère original. Non loin de la triade lithium-sodium-potassium (7, 23, 39.4) vient se placer l’argent (108), dont les propriétés paraissent constituer une répétition affaiblie des allures énergiques de ses devanciers. À la tribu potassium-rubidium-caesium (39.4, 85, 133) s’annexe le thallium (204) séparé des trois substances alcalines par un intervalle rigoureusement égal à celui qu’on mesure du plomb (207) au groupe calcium-strontium-baryum (40, 87, 137) et, coïncidence bizarre, l’aspect physique des deux prolongemens est presque semblable. Ces atomes si lourds sont encore plus légers que celui du bismuth (210), arrière-garde semi-métallique de la famille phosphore-arsenic-antimoine.

Malheureusement, pour peu que l’on tente d’élargir ou de généraliser outre mesure la règle des triades ou autres formules simples, on se heurte à des discordances manifestes. Tantôt on retrouve des lois numériques peu complexes entre des matières que nulles propriétés communes ne rapprochent ; tantôt, en dépit d’affinités incontestables, aucune relation n’enchaîne les poids atomiques ; c’est ce qui arrive pour le cuivre et le mercure, l’étain et le platine, le silicium et le carbone. Le lecteur doit s’apercevoir que nous essayons d’expliquer les difficultés que l’on éprouve à ranger rationnellement les corps simples plutôt que nous ne tentons d’établir une pareille classification. Qu’on nous permette une nouvelle comparaison qui expliquera l’embarras éprouvé par les chimistes contemporains en dépit des immenses ressources accumulées depuis un siècle. Jetez les yeux sur la voûte céleste par un beau soir d’été : les étoiles que vous contemplez ne sont pas régulièrement espacées sur le firmament comme les ceps d’un vignoble ; elles ne sont pas non plus accumulées en groupes distincts, ainsi que les divers échelons de combat d’une compagnie qui manœuvre. Non, les astres se trouvent disséminés de la façon la plus capricieuse ; ils semblent se presser dans telle zone, tandis que, dans d’autres régions, l’œil ne contemple que quelques rares soleils. N’examinons même que les alentours du pôle nord, bien connus de tout le monde ; sans avoir jamais entrepris la moindre étude astronomique, le premier venu, un paysan ou un berger, réunira dans sa pensée et n’aura jamais l’idée de séparer