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à profit par les chimistes ; la pratique gagne si la théorie souffre. Si nous parcourons la série des composés métalliques, nous constatons que souvent la valence de l’or et du platine tombe de deux unités ; ces élémens alors se contentent d’être uni valons ou bivalens. Celle du plomb, au contraire, augmente parfois de façon à laisser supposer que le métal est au fond quadrivalent, en dépit de ses analogies avec plusieurs substances bivalentes.

Néanmoins, les partisans des théories modernes ne sont pas restés à court devant ces objections : « Nous vous accordons, ont-ils répliqué, le fait du caractère contingent de la valence ; à cet égard, vous avez raison en toute rigueur. Mais nous pensons aussi que cette faculté, tout en aspirant vers une limite normale bien déterminée, peut être fort souvent provisoirement exaltée ou passagèrement amoindrie. Prenons surtout en considération les composés, les sels qui se forment aisément et sont difficiles à détruire. Par exemple, les chlorures supérieurs d’or et de platine, à raison de leur plus grande stabilité, marquent le vrai pouvoir de saturation du métal ; l’iode retient fort mal deux de ces trois atomes de chlore et conserve mieux le dernier. Le plomb est presque toujours manifestement bivalent ; gardons-nous bien, en dépit d’un petit nombre de cas, de l’écarter du cuivre ou du baryum, auquel il ressemble fort. » Leurs antagonistes, M. Berthelot en tête, loin de rendre les armes, n’ont pas manqué de signaler maintes circonstances dans lesquelles la valence devient encore moins nette. Ces faits se présentent lorsqu’un corps simple se sature à la fois avec deux ou plusieurs élémens monovalens de diverses natures. De même que la diversité des mets entretient l’appétit, de même la capacité de saturation d’une matière peut s’accroître si on lui présente à la fois plusieurs métalloïdes ou métaux. Ainsi l’azote, dans le chlorhydrate d’ammoniaque, retient attaché à lui quatre hydrogènes et un chlore, circonstance très discutée autrefois par les théoriciens, lesquels ont fini par classer définitivement l’azote et ses congénères comme quintivalens.

L’aluminium, ainsi que le gallium de M. Lecoq de Boisbaudran, présentent une particularité digne d’intérêt : ces deux métaux se combinent au chlore et consorts dans la proportion de deux atomes de gallium ou d’aluminium contre six de chlore ou de brome. Quelle est alors la valence de ces deux corps simples ? Ici intervient une ingénieuse hypothèse, si bien confirmée par les faits qu’elle est presque regardée actuellement comme une loi naturelle. Ainsi que nous l’avons indiqué déjà, figurons-nous l’atome comme une boule munie d’autant de crochets qu’il se trouve de valences disponibles. Deux atomes identiques d’aluminium, qu’on suppose armés chacun