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ainsi que le chlore, le brome, l’iode, se rangent dans cette catégorie, à laquelle il faut joindre le soufre, mais avec une restriction. Les métaux alcalins (potassium, sodium, lithium, etc.) et l’argent grossiraient encore probablement la liste si l’on pouvait apprécier autrement que par conjecture leur densité de vapeur. Enfin le phosphore et l’arsenic possèdent une molécule plus riche encore, qui ne contient pas moins de quatre atomes distincts.

L’ozone, dont nous avons déjà dit un mot, est un agrégat constitué, non par deux atomes comme l’oxygène ordinaire, mais bien par trois. Ainsi s’explique son grand pouvoir oxydant, car l’on n’a pas de peine à comprendre que le troisième atome de cette lourde et instable association s’en détache facilement et qu’une faible chaleur ramène le tout à la forme binaire normale. Les circonstances sont analogues pour le soufre, qui offre au point de vue chimique tant de rapports avec l’oxygène : à 500 degrés, la vapeur de soufre renferme jusqu’à six atomes ; c’est la molécule la plus riche de celles de tous les corps simples connus. Mais avant 1,000 degrés l’équilibre se rompt, les atomes se séparent, tout en restant accolés par paires, et le soufre, ainsi que la plupart des autres élémens, devient diatomique. À la suite d’expériences récentes, délicates et fort discutées, de MM. Meier, Crafts, etc., on a été amené à croire que, sous l’influence d’une forte chaleur, les molécules du chlore, du brome, de l’iode, pourraient bien se scinder en deux autres constituées chacune d’un atome distinct[1].

Les atomes de tous les corps simples métalloïdiques n’ont pas la faculté de s’unir à un même nombre d’atomes d’hydrogène, et cette variation de capacité, déjà invoquée par Dumas, est de la plus haute importance en philosophie chimique. Expliquons-nous à ce sujet. Examinons les molécules de l’acide chlorhydrique, de l’eau, de l’ammoniaque et du gaz des marais, tous composés stables et bien définis ; elles sont formées d’un atome unique de chlore, d’oxygène, d’azote ou de carbone, additionné respectivement d’un, deux, trois ou quatre atomes d’hydrogène. Notons en passant que, si l’azote réclame trois atomes et si le carbone en veut quatre, cela n’implique nullement de la part du carbone ou de l’azote une plus grande affinité pour l’hydrogène, dont le chlore et l’oxygène sont infiniment plus avides. Cela veut dire simplement qu’on peut se figurer l’atome

  1. Le lien qui rattache entre eux les deux atomes de chlore ou d’azote d’une molécule est après tout de même nature que celui réunissant un atome de chlore à un atome d’hydrogène dans le cas de l’acide chlorhydrique. On peut très bien expliquer pourquoi l’azote libre, si facile à obtenir, est si paresseux à entrer en combinaison ; c’est que les atomes d’azote de la molécule sont rivés entre eux par une puissante affinité malaisée à vaincre.