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à l’étranger, mais encore combattue en France par les adeptes de toute une école et repoussée jusqu’à présent des programmes de l’instruction secondaire. Encore abrégerons-nous autant qu’il nous sera possible, car, en pareil sujet, il vaut mieux être clair et incomplet.

Considérons de faibles masses homogènes formées de matières parfaitement pures, comme une goutte d’eau distillée, une parcelle de nitre ou azotate de potasse, une bulle de chlore. Nous pouvons évidemment diminuer encore ces petites fractions, réduire, par exemple, l’eau à l’état de vésicules de brouillard, pulvériser le sel, raréfier le gaz et chacune des nouvelles parties qu’on séparera des autres ne différera en rien de celles-ci. Continuons toujours de même, et, lorsque les procédés mécaniques ou physiques nous feront défaut, poursuivons notre opération par la pensée. Pourrons-nous la prolonger à l’infini ? Non, une limite nous arrête : nous finissons par trouver, au bout du compte, une infime particule d’eau, de nitre ou de chlore que nous sommes impuissans à partager. La barrière que nous invoquons n’est nullement due à l’imagination des savans, car, sans elle, les phénomènes physiques ne sauraient s’expliquer. Ce noyau terminal n’est cependant pas indestructible, si nous appelons la chimie à notre aide, puisque les agens qu’elle nous indique scindent les trois « molécules » (telle est la dénomination employée) en parties identiques ou non entre elles qui ont reçu le nom « d’atomes. » La molécule d’eau se coupe en trois atomes, deux d’hydrogène et un d’oxygène ; celle de l’azotate de potasse en fournit cinq (un de potassium, un d’azote, trois d’oxygène) ; celle même du chlore se trouve résulter de la juxtaposition de deux atomes de chlore semblables entre eux.

Faire passer en revue au lecteur les propriétés des molécules à élément hétérogènes des corps composés reviendrait à lui expliquer la chimie presque entière, mais nous ne pouvons nous dispenser de dire quelques mots au sujet de la belle loi entrevue par l’Italien Avogadro ; développée, grâce au génie d’Ampère, de façon à servir de base et de fondement aux théories modernes. Sans cette hypothèse, justifiée d’ailleurs par les calculs rigoureux de la thermodynamique, ces théories n’auraient aucune raison d’être. Voici l’énoncé. « Tous les gaz et toutes les vapeurs dont les caractères se confondent sensiblement avec ceux des gaz renferment, à volume égal et sous les mêmes circonstances de température et de pression, le même nombre de molécules. » En ce qui concerne les solides et liquides, aucune règle analogue n’a pu être formulée jusqu’à présent.

Cet exposé très abstrait nécessite des explications : imaginons