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sulfuré gazeux, le suif hydrate d’ammoniaque et un mélange de chlorhydrate et de carbonate d’ammoniaque. On obtient par ce moyen, dans le cas le plus général, trois précipités et deux liqueurs claires. Chacun de ces précipités ou solutions renferme uniquement un certain nombre de métaux à l’exclusion de tous les autres. Si l’un des liquides ne contient que de l’eau pure, si l’un des précipités ne s’est pas formé, le praticien est en droit d’en conclure à l’absence certaine des bases du « groupe » correspondant. Des procédés particuliers permettent ensuite d’isoler complètement les unes des autres les bases réunies ensemble, et, par suite, de les déterminer[1]. Cette division en « groupes » rattache évidemment plusieurs corps simples sans analogie réelle et jouissant seulement d’un bien petit nombre de caractères communs, mais, tout artificielle qu’elle soit, elle provoque plusieurs rapprochemens instructifs. En général, deux métaux rangés dans une même section de Thénard sont fort souvent dispersés dans deux « groupes » analytiques différens, mais le contraire se présente aussi, et nombre de matières se trouvent juxtaposées dans l’un et l’autre tableau. Si tel est le cas, par exemple, pour le potassium et le sodium, le calcium et le baryum, le nickel et le cobalt, le cuivre et le plomb, le platine et l’or, la conséquence évidente n’est-elle pas que ces substances doivent être liées par une affinité réelle, une analogie incontestable ? Ne peut-on essayer de faire pour les métaux ce que Dumas tenta jadis, avec succès, à l’égard des métalloïdes, et ensuite est-il impossible de réunir, dans un même ensemble, les deux classes de matières simples ? Jusqu’ici nous n’avons invoqué que les données de l’ancienne chimie, données trop insuffisantes pour élucider cette question ardue, mais les théories modernes se présentent qui vont nous fournir d’utiles éclaircissemens, et du moins elles nous serviront à prouver que si, dans l’état actuel de la science, nous ne touchons pas au but, du moins nous sommes bien près d’y atteindre.


III.

Loin de nous la pensée de retracer, même en abrégé, l’histoire de la théorie et de la notation atomique. Notre intention n’est pas davantage de la critiquer ou de la défendre. À peine exposerons-nous quelques points de cette doctrine presque universellement adoptée

  1. Il va sans dire que nous indiquons seulement le sens général des opérations à effectuer. La vraie marche à suivre est en réalité plus complexe dans son ensemble et fort minutieuse dans ses détails.