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composés ont une odeur fétide, sont irrespirables ou luisent dans l’obscurité. Ces noms simples, euphoniques et sans prétention, ne trompent personne et sont pour le moins aussi convenables que ceux de plusieurs métaux auxquels on s’obstine à infliger toujours la lourde et pédante terminaison en ium, Lavoisier crut assurément bien faire en appelant oxygène ou « générateur d’acide » le gaz, dont il étudia les propriétés avec tant de sagacité ; plus tard, on reconnut qu’il existe des acides sans oxygène, tandis que l’hydrogène est la base fondamentale de ces mêmes acides. Néanmoins, et ce fait saute aux yeux en chimie organique, il est incontestable que l’addition d’oxygène, ou le remplacement d’une autre substance par ce même élément, tend toujours à exalter dans une molécule les propriétés acides, si elles préexistent, et fort souvent les provoque, si elles font défaut. Le fondateur de la chimie moderne a donc eu raison, bien qu’à un autre point de vue que celui qu’il envisageait.


II.

Presque tous les corps simples sont solides à la température ordinaire. Outre le mercure, que tout le monde a vu, un seul est liquide : c’est le brome, fluide lourd, d’un rouge foncé, très volatil, jouant un rôle indispensable en chimie synthétique. Deux des derniers métaux isolés : le gallium, dont nous avons déjà parlé, et sur le compte duquel nous reviendrons encore, et le cassium, naguère connu seulement à l’état de combinaison, seraient solides en hiver, mais se fondraient sous la seule influence des chaleurs ordinaires d’un été moyen. Le chlore, vapeur verdâtre, a été depuis longtemps liquéfié ; mais l’oxygène, l’azote et l’hydrogène, jadis désignés comme « gaz permanens, » ont résisté, jusqu’à l’année 1877, à la double action du froid et de la compression, jusqu’à ce que les procédés de MM. Cailletet et Pictet en soient venus à bout. Il n’existe donc, en sus du fluor, que quatre gaz simples dont aucun ne saurait être incoercible.

Inversement et malgré les tentatives de M. Despretz, jamais le carbone n’a pu être fondu ni volatilisé ; le bore et le silicium sont tout aussi réfractaires. Quelques métaux, comme l’argent ou le potassium fondus, émettent à de très hautes températures des vapeurs vertes qui ne rappellent guère la teinte du solide générateur. Étudier du zinc ou du cadmium gazéifiés est chose moins difficile encore, mais souvent une matière simple, plus fusible qu’une autre, est bien plus malaisée à vaporiser ; ainsi l’étain, qui se liquéfie dans une carte à jouer exposée à la flamme d’une bougie, n’est pas sensiblement