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passer à travers l’ouverture pupillaire de l’œil. Plus la clarté est grande, plus l’iris est resserré. C’est là un type d’action réflexe involontaire et inconsciente. Inconsciente assurément ; car il nous est absolument impossible de savoir quel est l’état de notre pupille, et rien ne peut nous avertir de son état de resserrement ou de dilatation.

À côté de ce réflexe inconscient, prenons un autre réflexe qui sera conscient ; par exemple, le frisson déterminé par le contact du froid sur la peau. Si l’on sort d’une chambre bien chauffée pour s’exposer brusquement à l’air extérieur très froid, outre l’impression du froid, on sera pris d’un grand frisson, très rapide, qui, pendant quelques secondes, va secouer tout le corps d’un violent tremblement. Ce tremblement, sera aussi involontaire que le resserrement de l’iris ; mais il sera parfaitement conscient. Le froid fait trembler ; mais on sait qu’on tremble, et, en même temps qu’on ressent le froid, on se rend compte du frisson tout à fait involontaire qu’il donne.

On peut donc dire des réflexes qu’ils sont les uns consciens, les autres inconsciens. La peur est un réflexe conscient.


C’est aussi un réflexe psychique, et cette nouvelle expression a besoin encore d’être définie.

En effet, les exemples donnés jusqu’ici ne portent que sur des excitations très simples, qui ne nécessitent aucune intelligence, aucune compréhension, aucune élaboration intellectuelle. Mais certains réflexes ne sont pas dans ce cas. Ils sont réflexes, c’est-à-dire involontaires ; consciens, puisque nous nous en rendons parfaitement compte ; mais ils sont psychiques aussi, car il faut une certaine dose d’intelligence pour qu’ils aient lieu.

Je prendrai pour cela un exemple bien simple de frayeur ; le mouvement instinctif du soldat qui baisse la tête quand il entend siffler une balle à côté de lui. Ce mouvement est tout à fait réflexe ; car le malheureux a baissé la tête avant même de penser à la balle qui va peut-être le frapper. À peine a-t-il entendu le sifflement que déjà il a baissé la tête. Cet acte, tout involontaire, est donc bien réflexe, conscient et psychique.

Il existe quantité d’actions analogues ; et, pour peu qu’on y prête quelque attention, on verra combien, dans notre existence de chaque jour, ces actes réflexes psychiques ont une part importante.

L’émotion morale consciente et le mouvement extérieur qui l’accompagne sont causés par une excitation sensible, qui, en elle-même, n’est rien, mais qui est transformée par l’intelligence, de manière à devenir une excitation efficace. Certainement le sifflement d’une balle, en tant que bruit, ne fait pas baisser la tête. C’est un bruit qui, par lui-même, est tout à fait incapable de provoquer