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déparent ses œuvres sans caractère et qui peuvent être comptées parmi les plus fades productions du genre académique. Goltzius, de son côté, non-seulement s’appliquait de son mieux à reproduire par la gravure les tableaux ou les dessins des maîtres les plus maniérés, mais il cherchait à les imiter dans ses propres compositions. Celles qui sont datées de cette époque peuvent être comparées pour le mauvais goût et l’affectation aux pires ouvrages de B. Spranger, un des maîtres que van Mander estimait le plus. Mais Goltzius ne devait pas se borner à ces malencontreuses imitations. A l’exemple de van Mander, il conçut bientôt un tel désir d’aller lui-même en Italie que, ne pouvant, à cause de son mariage, le réaliser, il tomba dans une insurmontable mélancolie et sa santé s’altéra peu à peu, au point que les médecins jugèrent sa situation désespérée. Malgré la faiblesse extrême à laquelle il se trouvait réduit, il ne renonça pas à son projet et se mit en route pour ce voyage, qu’il effectua sans encombre.

Mais si le goût faisait également défaut aux trois amis, ils se sentaient un même amour de l’art, et la jalousie n’avait sur eux aucune prise. C’est sans doute à ses deux compagnons que van Mander avait dû de se lier avec les amateurs les plus célèbres de la contrée. Bientôt son savoir et son affabilité rendirent plus intimes les relations qu’il avait nouées avec ses nouveaux patrons, et leurs noms reviennent souvent sous sa plume. Dès le début, l’un d’eux, Jacques Rauwaert, lui commandait plusieurs grisailles : un Déluge, douze épisodes de la Passion et une Kermesse villageoise. Melchior Wyntgis de Middelbourg, Jacques Razet et Barthélémy Ferreris lui achetèrent également de nombreux ouvrages. Van Mander acceptait d’ailleurs toutes les tâches. Doué d’une habileté très réelle et d’une grande souplesse de talent, il passait sans difficulté d’un travail à un autre, dessinant des illustrations pour les imprimeurs et des cartons pour les fabricans de tapisseries ou pour les verriers. Un écusson orné de figures, de tritons et d’attributs marins qui se trouve au musée municipal de Harlem (n° 129), — où il encadre une inscription destinée à rappeler le don d’une mâchoire de baleine, fait en 1595 par Jean Linschoten à sa ville natale, — témoigne par son élégante disposition des qualités décoratives que possédait l’artiste. Ses tableaux d’ailleurs sont très rares, et M. Hymans, qui a essayé d’en dresser la liste complète, n’arrive à en citer qu’un très petit nombre dont l’authenticité soit certaine. Un Martyre de sainte Catherine, peint pour l’église Saint-Martin de Courtrai, qui n’en a conservé que le panneau central signé et daté de 1582, par conséquent des derniers temps de son séjour dans cette ville; l’Ecce homo de l’hôpital d’Ypres, exécuté d’après une composition gravée en 1572 par Corneille Cort; une Nativité, qui se trouve au musée