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du monde observent plus qu’on ne pense toutes les actions et la conduite des religieuses au parloir et elles prennent de fort mauvaises impressions de celles qu’elles voient trop libres, plus inconsidérées et mondaines dans leurs paroles. Ne vous y trompez pas ; bien que les gens du monde vous fassent paraître de la complaisance, lorsqu’ils viennent à parler des religieuses, que disent-ils? Ces jours passés, j’ai entretenu une religieuse; je n’ai parlé qu’un quart d’heure avec elle ; je sais ses sentimens sur telles choses. » Bien entendu, Bossuet excepte de la critique celles-là mêmes auxquelles il s’adresse : « Ce n’est pas, dit-il, que j’aie connaissance particulière de cette maison là-dessus ; mais je me souviens que je me suis trouvé dans des maisons honorables à Paris où j’ai ouï parler de certaines religieuses d’une manière plaisante et fort cavalière. «  Enfin, il paraît qu’il y avait au parloir des religieuses qui ne pouvaient s’empêcher de faire paraître des saillies « d’une passion immortifiée, » et qui parlaient trop librement « des affaires particulières » de la maison. De même qu’il faut se garder du monde, il faut aussi, paraît-il, se garder des jeunes pensionnaires, qui ne sont pas moins mauvaises langues que les gens du monde : « Pour moi, disent-elles, j’ai eu dans tel couvent une maîtresse qui n’était guère spirituelle ni dévote ; car il était rare qu’elle nous parlât de Dieu ; elle avait de certaines maximes mondaines, et, loin de nous porter à la modestie, elle nous enseignait des secrets de vanité. »

Il n’y a pas jusqu’au vœu le plus délicat de la vie religieuse sur lequel il faut, paraît-il, que les religieuses se surveillent et prennent de sévères précautions. Plus d’une fois Bossuet a été appelé à prêcher sur la virginité dans les couvens de religieuses. Il semble que ce soit là un sujet bien scabreux à traiter par un homme devant des femmes, et qu’en parler même ce soit profaner la vertu dont il s’agit. Mais c’est là un danger nécessaire qui résulte des institutions catholiques, du confessionnal, des vœux mêmes de la vertu monastique ; car il faut bien qu’on sache ce que l’on sacrifie et même ce qui reste encore de péril à courir dans le sacrifice. Quoi qu’il en soit, Bossuet n’a pas de ces vains scrupules : il parle hardiment, avec l’autorité d’un esprit pur, au-dessus de toutes les terrestres tentations : « vierges de Jésus-Christ, à quels honneurs la sainte Vierge a-t-elle préparé vos corps ! » Mais cette virginité est toujours en péril, et il nous apprend tous les degrés du danger par où peut passer une virginité faible et défaillante. Il nous dépeint « cette convoitise indocile qui se présente par tous les sens... Elle fait la modeste en commençant; il semble qu’elle se contente de peu : ce n’est qu’un désir imparfait, ce n’est qu’une curiosité, ce n’est presque rien; mais si vous satisfaites le premier